La danse urbaine se déploie
9 octobre 2012
Critique du spectacle 100Lux.
- Oliver Koomsatira
Foret Noire : 100Lux 2012 avec Axelle Ebony Munezero et Martine Cherry Bruneau au Conservatoire De Musique De Montréal. Crédit Photo : PrezOne
La danse urbaine. On la voit à la télévision, dans les gros films qui en mettent plein la vue, par-ci par-là pour agrémenter la scène de chanteurs pop et dans des publicités quelconques, mais qu'en est-il de son existence sur la scène culturelle montréalaise? Bonne question. En fait, c'est à se demander si elle existe. À voir la première édition de 100Lux, on peut jurer que oui. Mais comment se fait-il qu'on ne la croise pas plus souvent sur les grandes scènes de danse professionnelle? Une autre bonne question. Et en fait, il n'y a pas de réponse simple qu'on peut régurgiter en quelques phrases. Faute d'espace pour en discuter avec vous, je vous donnerai quelques pistes, question de brasser les choses un peu.
Tout d'abord, elle est encore très jeune à Montréal. Il faut se donner un peu de chance pour croître avant de se décourager. La scène de danse urbaine vibre beaucoup plus d'où elle vient, soit aux États-Unis, tandis qu'ici, il faut être très très patient pour voir un spectacle professionnel une fois de temps en temps. Étant jeune, ça signifie aussi que ses acteurs principaux le sont également. Cela veut dire; moins d'expérience financière, moins de budget, une gestion moins développée et des réseaux plus restreints, ce qui équivaut à un public plus dispersé et moins rentable. Sans compter le financement public inexistant pour cette division de la danse. Est-ce que c'est le talent qui manque? Certainement pas. N'importe quel sceptique en serait convaincu en voyant le spectacle 100Lux. Mais si ils sont si bons, pourquoi ne sont-ils pas plus connus? Encore une autre bonne question. De un, il n'y a pas tant de « star système » dans le monde de la danse, outre ce que peut générer les télé-réalités qui font parfois autant de bien que de tort à la profession. C'est sûr qu'il y a des danseurs assez connus mais ce n'est pas comparable à leurs équivalents dans les médiums du cinéma ou de la chanson. Donc, on tombe dans une zone niche. Difficile d'être niche lorsque c'est si pop et c'est justement ça le paradoxe qui tue. L'image ultra-amplifiée de la danse urbaine dans le monde commercial peut causer le dégonflement rapide de jeunes artistes plein de potentiel lorsque les opportunités locales ne sont pas au rendez-vous. De là l'importance cruciale de développer des communautés solides. De cette façon, des alternatives à la seule et unique méga-opportunité sont créées et plus d'artistes peuvent prendre part à l'essor de leur passion. Quel genre d'alternative? Hmm… par exemple… 100Lux. Il y en a d'autres ne vous en faites pas, mais celle-ci, si elle perdure, en sera une sacrée bonne.
Maintenant, que dire de ce spectacle? Premièrement, c'est un événement annuel, ce qui veut dire que c'est supposé revenir l'an prochain… si les instigatrices Axelle Munezero et Martine Bruneau tiennent leur parole. Je crois qu'elles le devraient car ça en vaut la peine. Deuxièmement, c'était un très beau spectacle. Bon, c'est bien vague ce que je dis, je vais donc appuyer ce dernier commentaire. La force et la faiblesse de la danse urbaine, quand on parle de spectacles qui se veulent plus artistiques que pop, c'est que très souvent ça repose presqu'entièrement sur le côté spectaculaire. Le problème avec ça, c'est qu'on peut rapidement se tanner de voir du wow pour du wow. Du wow pour du wow ça reste plutôt réservé à un public adolescent qui va voir You Got Served ou les autres films sosies qui ont pas mal toujours la même trame narrative quétaine. Pas qu'il y ait quelque chose de mal à faire des oeuvres pour ados, c'est juste qu'ils n'ont pas les poches aussi profondes que leurs parents qui iront peut-être voir une pièce de théâtre ou un concert de musique plus raffiné à la place. La question clé devient : Est-ce que la danse urbaine peut plaire à plusieurs générations et donc élargir son public cible? D'après ce que j'ai vu à 100Lux… définitivement.
Ce qui était super des pièces présentées lors du spectacle 100Lux, c'est qu'elles pouvaient rivaliser pas mal tous les spectacles de danse à Montréal pour ce qui attrait à son contenu, son fondement, sa prémisse ou sa raison d'être. On ne danse plus pour faire « Tadam ! Check comment chu hot ! Check comme j'ai de l'AT-TI-TUDE ! » Non, on voit ici que se sont des artistes qui ont évolué au-delà de la forme pour créer des oeuvres qui débordent de propos. L'art est donc atteint. Ils prouvent qu'ils se différencient du divertissement commercial pour finalement entrer dans l'arène de la culture. Une arène parce que c'est un combat perpétuel pour survivre dans le secteur culturel. Il n'y a pas de producteur magique qui va te téléphoner d'Hollywood pour te transformer en LA vedette millionnaire instantanée que tu désires si ardemment devenir. Non. Dans l'arène, c'est toi le producteur qui va trouver la façon de financer tes propres projets, tes artistes et ton équipe administrative. Donc tu te retrousses les manches et tu bûches jusqu'à ce que ça marche. Point. Il n'y a pas de mystère, demandez à n'importe quel diffuseur ou chorégraphe qui jouit maintenant d'une stabilité ou d'une reconnaissance quelconque. La formule magique : travail acharné, persévérance (à long-terme), pas deux ou trois ans, non non, 20 à 30 ans de persévérance. Et un autre ingrédient super important quand t'as pas beaucoup de cash… la collaboration. Si la danse urbaine veut se tailler une place sur la scène professionnelle, elle va devoir faire une chose : se rassembler et pousser ensemble. Pas « Toi VS moi, je te torche dans ce battle. Peace out, homie ». Non, tout le monde dans la même direction du genre : « Assemblée générale de l'Association de la danse urbaine de Montréal pour définir comment la rencontre avec le ministre de la culture se déroulera. » Comme Benjamin Franklin l'a si bien dit : « We must all hang together, or assuredly we shall all hang alone. » En français : « Nous devons nous tenir ensemble ou être pendus seuls. »
Quatre oeuvres très différentes ont été présentées et chacune est digne de mention. Forêt Noire, chorégraphiée et interprétée par les fondatrices de 100Lux, livre des images puissantes et évocatrices tout en puisant dans les forces du Waacking pour créer des séquences palpitantes. Namo Chanethomvong (ouais, tout un nom de famille !), dégage une présence scénique digne des plus grands solistes que vous aurez la chance de voir à Montréal, sans oublier la façon spectaculaire dont il déploie sa technique de Popping durant son solo captivant. La pièce de résistance de la soirée, chorégraphiée par Cindy McAuliffe, intitulée 24/7 qui est d'ailleurs munie de sept danseurs très talentueux, vient nous convaincre que la danse urbaine est capable de nous raconter une histoire sentie, authentique, profonde tout en capitalisant sur les forces distinctes de ses interprètes qui proviennent de chemins artistiques complètement différents. Vive la diversité ! Une oeuvre puissante. Et finalement Am-ego, le solo de Valérie Chartier qui mélange toutes les techniques qu’elle a acquises durant sa vie, soit le ballet, le jazz, le contemporain ainsi que le Krump, ouais ça commence à faire beaucoup de stock pour une personne… La danseuse nous démontre un défi extrêmement athlétique ! T'es pas mal en forme, Valérie !
Rendez-vous l'année prochaine? Croisez-vos doigts ! Pour plus d'information sur 100Lux, visitez le site web. http://100lux.ca/
24/7 a été dansé par Andy Michel, Dara Michael Tow, Jaleesa Coligny, Jean-Benoit Labrecque, Lakessha Pierre, Nindy Banks et Ricky Saint-Jusna.
Extraits de 100Lux.
Tout d'abord, elle est encore très jeune à Montréal. Il faut se donner un peu de chance pour croître avant de se décourager. La scène de danse urbaine vibre beaucoup plus d'où elle vient, soit aux États-Unis, tandis qu'ici, il faut être très très patient pour voir un spectacle professionnel une fois de temps en temps. Étant jeune, ça signifie aussi que ses acteurs principaux le sont également. Cela veut dire; moins d'expérience financière, moins de budget, une gestion moins développée et des réseaux plus restreints, ce qui équivaut à un public plus dispersé et moins rentable. Sans compter le financement public inexistant pour cette division de la danse. Est-ce que c'est le talent qui manque? Certainement pas. N'importe quel sceptique en serait convaincu en voyant le spectacle 100Lux. Mais si ils sont si bons, pourquoi ne sont-ils pas plus connus? Encore une autre bonne question. De un, il n'y a pas tant de « star système » dans le monde de la danse, outre ce que peut générer les télé-réalités qui font parfois autant de bien que de tort à la profession. C'est sûr qu'il y a des danseurs assez connus mais ce n'est pas comparable à leurs équivalents dans les médiums du cinéma ou de la chanson. Donc, on tombe dans une zone niche. Difficile d'être niche lorsque c'est si pop et c'est justement ça le paradoxe qui tue. L'image ultra-amplifiée de la danse urbaine dans le monde commercial peut causer le dégonflement rapide de jeunes artistes plein de potentiel lorsque les opportunités locales ne sont pas au rendez-vous. De là l'importance cruciale de développer des communautés solides. De cette façon, des alternatives à la seule et unique méga-opportunité sont créées et plus d'artistes peuvent prendre part à l'essor de leur passion. Quel genre d'alternative? Hmm… par exemple… 100Lux. Il y en a d'autres ne vous en faites pas, mais celle-ci, si elle perdure, en sera une sacrée bonne.
Maintenant, que dire de ce spectacle? Premièrement, c'est un événement annuel, ce qui veut dire que c'est supposé revenir l'an prochain… si les instigatrices Axelle Munezero et Martine Bruneau tiennent leur parole. Je crois qu'elles le devraient car ça en vaut la peine. Deuxièmement, c'était un très beau spectacle. Bon, c'est bien vague ce que je dis, je vais donc appuyer ce dernier commentaire. La force et la faiblesse de la danse urbaine, quand on parle de spectacles qui se veulent plus artistiques que pop, c'est que très souvent ça repose presqu'entièrement sur le côté spectaculaire. Le problème avec ça, c'est qu'on peut rapidement se tanner de voir du wow pour du wow. Du wow pour du wow ça reste plutôt réservé à un public adolescent qui va voir You Got Served ou les autres films sosies qui ont pas mal toujours la même trame narrative quétaine. Pas qu'il y ait quelque chose de mal à faire des oeuvres pour ados, c'est juste qu'ils n'ont pas les poches aussi profondes que leurs parents qui iront peut-être voir une pièce de théâtre ou un concert de musique plus raffiné à la place. La question clé devient : Est-ce que la danse urbaine peut plaire à plusieurs générations et donc élargir son public cible? D'après ce que j'ai vu à 100Lux… définitivement.
Ce qui était super des pièces présentées lors du spectacle 100Lux, c'est qu'elles pouvaient rivaliser pas mal tous les spectacles de danse à Montréal pour ce qui attrait à son contenu, son fondement, sa prémisse ou sa raison d'être. On ne danse plus pour faire « Tadam ! Check comment chu hot ! Check comme j'ai de l'AT-TI-TUDE ! » Non, on voit ici que se sont des artistes qui ont évolué au-delà de la forme pour créer des oeuvres qui débordent de propos. L'art est donc atteint. Ils prouvent qu'ils se différencient du divertissement commercial pour finalement entrer dans l'arène de la culture. Une arène parce que c'est un combat perpétuel pour survivre dans le secteur culturel. Il n'y a pas de producteur magique qui va te téléphoner d'Hollywood pour te transformer en LA vedette millionnaire instantanée que tu désires si ardemment devenir. Non. Dans l'arène, c'est toi le producteur qui va trouver la façon de financer tes propres projets, tes artistes et ton équipe administrative. Donc tu te retrousses les manches et tu bûches jusqu'à ce que ça marche. Point. Il n'y a pas de mystère, demandez à n'importe quel diffuseur ou chorégraphe qui jouit maintenant d'une stabilité ou d'une reconnaissance quelconque. La formule magique : travail acharné, persévérance (à long-terme), pas deux ou trois ans, non non, 20 à 30 ans de persévérance. Et un autre ingrédient super important quand t'as pas beaucoup de cash… la collaboration. Si la danse urbaine veut se tailler une place sur la scène professionnelle, elle va devoir faire une chose : se rassembler et pousser ensemble. Pas « Toi VS moi, je te torche dans ce battle. Peace out, homie ». Non, tout le monde dans la même direction du genre : « Assemblée générale de l'Association de la danse urbaine de Montréal pour définir comment la rencontre avec le ministre de la culture se déroulera. » Comme Benjamin Franklin l'a si bien dit : « We must all hang together, or assuredly we shall all hang alone. » En français : « Nous devons nous tenir ensemble ou être pendus seuls. »
Quatre oeuvres très différentes ont été présentées et chacune est digne de mention. Forêt Noire, chorégraphiée et interprétée par les fondatrices de 100Lux, livre des images puissantes et évocatrices tout en puisant dans les forces du Waacking pour créer des séquences palpitantes. Namo Chanethomvong (ouais, tout un nom de famille !), dégage une présence scénique digne des plus grands solistes que vous aurez la chance de voir à Montréal, sans oublier la façon spectaculaire dont il déploie sa technique de Popping durant son solo captivant. La pièce de résistance de la soirée, chorégraphiée par Cindy McAuliffe, intitulée 24/7 qui est d'ailleurs munie de sept danseurs très talentueux, vient nous convaincre que la danse urbaine est capable de nous raconter une histoire sentie, authentique, profonde tout en capitalisant sur les forces distinctes de ses interprètes qui proviennent de chemins artistiques complètement différents. Vive la diversité ! Une oeuvre puissante. Et finalement Am-ego, le solo de Valérie Chartier qui mélange toutes les techniques qu’elle a acquises durant sa vie, soit le ballet, le jazz, le contemporain ainsi que le Krump, ouais ça commence à faire beaucoup de stock pour une personne… La danseuse nous démontre un défi extrêmement athlétique ! T'es pas mal en forme, Valérie !
Rendez-vous l'année prochaine? Croisez-vos doigts ! Pour plus d'information sur 100Lux, visitez le site web. http://100lux.ca/
24/7 a été dansé par Andy Michel, Dara Michael Tow, Jaleesa Coligny, Jean-Benoit Labrecque, Lakessha Pierre, Nindy Banks et Ricky Saint-Jusna.
Extraits de 100Lux.