Intime et universel
24 février 2012
Critique de Yadoo, Voodoo et Love de Nora Chipaumire et Souleymane Badolo.
- Dominique Thomas (Bio)
©2011 Donald Rockhead / Nora Chipaumire et Souleymane Badolo
Pour cette nouvelle collaboration avec Tangente, l’artiste d’origine zimbabwéenne Nora Chipaumire invite Souleymane Badolo à partager la soirée avec elle dans un spectacle à la fois personnel et universel. Le spectacle en trois parties s’inscrit dans la série TransFormes et est présenté dans le cadre du Festival Ascen/danses qui programme des oeuvres contemporaines issues de la diaspora africaine.
La première pièce, Yaado, est un solo de Souleymane Badolo créé en hommage à sa mère. Le danseur s’attaque à la lourde tâche que peut être une prestation solo en silence. Il s’y applique cependant avec une telle implication physique et spirituelle que l’espace scénique, dénudé, reste tout de même habité en entier. Le solo de 30 minutes évolue selon un tracé spatial carré qui est délimité au fur et à mesure par un éclairage simple. À plusieurs reprises, le danseur produit son propre accompagnement sonore en émettant des sons et en exploitant habilement la percussion corporelle. Il en résulte une danse complètement habitée par le rythme et qui, bien qu’accompagnée par une sobre « trame » sonore, donne l’impression au spectateur d’écouter un orchestre entier. L’oeuvre est, somme toute, très personnelle.
La seconde partie, Voodoo, interprétée et chorégraphiée par Nora Chipaumire, nous transporte à des lieues des conventions artistiques nord-américaines. Mouvements très lents, changement de plan (la danseuse bouge pratiquement toujours penchée vers le sol), musique répétitive et minimaliste... Le dépaysement est frappant. Il reste néanmoins que la force et la stature de Nora Chipaumire transcendent les conventions et viennent toucher une corde sensible, comme un « cri » universel. La scénographie simple, composée de deux miroirs et d’une chaudière d’eau, centre le regard vers l’interprète. On assiste pendant cette pièce à l’intimité d’un rituel; pleinement dans le geste, Nora Chipaumire se laisse regarder, elle ne danse pas pour le public, mais invite plutôt celui-ci à la regarder danser.
En dernier lieu est présenté Love, conjointement interprété et chorégraphié par les deux artistes. La pièce est un extrait d’un triptyque qui raconte une histoire d’amour, en l’occurrence celle des deux protagonistes, qui sont aussi partenaires dans la vie. Le ton est nettement différent des deux solos précédents, et on sent les interprètes coquins, comme amusés par leur propre jeu de séduction. Chacun leur tour ils se pavanent l’un devant l’autre dans une cour digne de celle des oiseaux exotiques. Petit rayon de lumière dans un spectacle plutôt dense, Love respire la candeur, dans une innocence toute pure qu’on ne permet presque plus en spectacle aujourd’hui.
En effet, les oeuvres de Nora Chipaumire et Souleymane Badolo semblent habitées de préoccupations artistiques différentes de celles auxquelles nous sommes habitués. On pourrait parler d’un certain retour à l’essentiel : laisser voir, plutôt que montrer. Toute une leçon d’humilité. Même si le décalage artistique peut être perturbant, il fait bon de voir ces oeuvres d’ailleurs pour s’aventurer l’espace d’une soirée en-dehors de notre « douillette » culturelle.
Yaado, Voodoo, Love de Nora Chipaumire et Souleymane Badolo
Du 23 au 25 février à 20 h 30 et le 26 février à 16 h
Studio Hydro-Québec du Monument-National
http://www.tangente.qc.ca/index.php?option=com_content&view=article&id=42&lang=fr
Entrevue avec Nora Chipaumire.
La première pièce, Yaado, est un solo de Souleymane Badolo créé en hommage à sa mère. Le danseur s’attaque à la lourde tâche que peut être une prestation solo en silence. Il s’y applique cependant avec une telle implication physique et spirituelle que l’espace scénique, dénudé, reste tout de même habité en entier. Le solo de 30 minutes évolue selon un tracé spatial carré qui est délimité au fur et à mesure par un éclairage simple. À plusieurs reprises, le danseur produit son propre accompagnement sonore en émettant des sons et en exploitant habilement la percussion corporelle. Il en résulte une danse complètement habitée par le rythme et qui, bien qu’accompagnée par une sobre « trame » sonore, donne l’impression au spectateur d’écouter un orchestre entier. L’oeuvre est, somme toute, très personnelle.
La seconde partie, Voodoo, interprétée et chorégraphiée par Nora Chipaumire, nous transporte à des lieues des conventions artistiques nord-américaines. Mouvements très lents, changement de plan (la danseuse bouge pratiquement toujours penchée vers le sol), musique répétitive et minimaliste... Le dépaysement est frappant. Il reste néanmoins que la force et la stature de Nora Chipaumire transcendent les conventions et viennent toucher une corde sensible, comme un « cri » universel. La scénographie simple, composée de deux miroirs et d’une chaudière d’eau, centre le regard vers l’interprète. On assiste pendant cette pièce à l’intimité d’un rituel; pleinement dans le geste, Nora Chipaumire se laisse regarder, elle ne danse pas pour le public, mais invite plutôt celui-ci à la regarder danser.
En dernier lieu est présenté Love, conjointement interprété et chorégraphié par les deux artistes. La pièce est un extrait d’un triptyque qui raconte une histoire d’amour, en l’occurrence celle des deux protagonistes, qui sont aussi partenaires dans la vie. Le ton est nettement différent des deux solos précédents, et on sent les interprètes coquins, comme amusés par leur propre jeu de séduction. Chacun leur tour ils se pavanent l’un devant l’autre dans une cour digne de celle des oiseaux exotiques. Petit rayon de lumière dans un spectacle plutôt dense, Love respire la candeur, dans une innocence toute pure qu’on ne permet presque plus en spectacle aujourd’hui.
En effet, les oeuvres de Nora Chipaumire et Souleymane Badolo semblent habitées de préoccupations artistiques différentes de celles auxquelles nous sommes habitués. On pourrait parler d’un certain retour à l’essentiel : laisser voir, plutôt que montrer. Toute une leçon d’humilité. Même si le décalage artistique peut être perturbant, il fait bon de voir ces oeuvres d’ailleurs pour s’aventurer l’espace d’une soirée en-dehors de notre « douillette » culturelle.
Yaado, Voodoo, Love de Nora Chipaumire et Souleymane Badolo
Du 23 au 25 février à 20 h 30 et le 26 février à 16 h
Studio Hydro-Québec du Monument-National
http://www.tangente.qc.ca/index.php?option=com_content&view=article&id=42&lang=fr
Entrevue avec Nora Chipaumire.