Entre la terre et le ciel...le vide?
17 novembre 2011
Critique du spectacle In Between de Lucie Grégoire et Yoshito Ohno.
-Dominique Thomas (Bio)
Lucie Grégoire et Yoshito Ohno dans «In Between».
Dernière oeuvre d’une trilogie incluant Eye (2004) et Flower (2009), In Between met en scène deux interprètes aux présences distinctes, mais à l’intensité commune. Lucie Grégoire et Yoshito Ohno, chorégraphes, interprètes et complices, livrent une performance troublante d’intégrité. Le spectacle est une succession de solos et de duos où les interprètes font naître des états différents. Inspirés par le poème donnant son titre à la pièce, les artistes ont voulu toucher à l’insaisissable espace qui sépare deux êtres.
Lucie Grégoire, tout en féminité, passe du dynamisme à la lenteur avec une aisance assurée. Tous ses mouvements semblent provenir directement des entrailles de la Terre. Ses bras et ses mains, parfois fendant l’air frénétiquement, n’arrivent pas à rompre la connexion que la danseuse garde avec le sol. Chaque tableau a son état et son costume : les superbes robes conçues par Estuko Ohno, collaboratrice de longue de date de Yoshito et Kazuo Ohno (le père de ce dernier), épousent avec justesse l’atmosphère dans laquelle veut nous plonger l’interprète. On se demande si Lucie Grégoire incarne plusieurs femmes ou une seule à des moments différents. Néanmoins, chacune de ses apparitions est teintée d’un mystère attirant.
En alternance aux solos de Lucie Grégoire apparaît Yoshito Ohno, tel un personnage d’un autre temps. À 73 ans, c’est une brillante leçon de présence scénique qu’offre l’interprète japonais. Ses mouvements sont plus lents que ceux de sa comparse, mais son corps dégage une énergie perceptible jusqu’au fond de la salle. Fidèle à la tradition du butô, l’homme est maquillé entièrement de blanc. Son visage s’illumine sous les projecteurs, il semble absorber la lumière. Tout, dans ses gestes, respire l’intégrité : Yoshito Ohno ne fait pas semblant d’être, il EST. Point à la ligne. C’est exactement ce qui captive, ce qui, malgré la lenteur des mouvements, nous garde rivés vers lui comme on reste pendu aux lèvres d’un brillant orateur.
L’oeuvre, dans son ensemble, touche doucement et profondément. Contemplative à certains moments, sans jamais susciter l’ennui, la pièce est englobante et transporte le public dans un parcours aux atmosphères parfois intimistes, parfois épiques. On pourrait penser a priori que les deux solistes représentent des concepts opposés, ce qui n’est pas tout à fait le cas ici. On retrouve assurément des marques de l’Occident dans les solos de Lucie Grégoire, d’abord par son énergie plus active que son acolyte, ensuite par ses choix musicaux. En effet, un de ses tableaux est dansé sur la pièce musicale – surprenante dans un tel contexte – Set Fire to the Rain, de la chanteuse populaire Adele. Déboussolant dans les premières minutes parce qu’inattendu, ce solo de Lucie Grégoire oppose au tube occidental une danse émanant de l’intérieur et évoquant une femme qui lance un appel à l’aide. On en sort perplexe ou bouleversé, mais certainement pas indifférent.
In Between est plus qu’une simple opposition entre le masculin et le féminin ou entre l’Orient et l’Occident. Yoshito Ohno est intemporel, tandis que Lucie Grégoire semble porter en elle toutes les époques. Lorsqu’ils sont ensemble sur scène, le résultat est une combinaison de force et de fragilité. Ce qu’il y a entre eux, finalement, reste mystérieux. Le spectateur retient son souffle, de peur qu’un seul soupir interrompe la connexion entre les interprètes. In Between, une pièce à consommer lentement et délicatement afin d’en savourer pleinement toutes les nuances.
In Between est présenté jusqu'au 19 novembre. Pour plus de détails, visitez le site web de l'Agora de la danse. http://www.agoradanse.com/fr/spectacles/2011/in-between
Extraits de répétition de In Between.
Lucie Grégoire, tout en féminité, passe du dynamisme à la lenteur avec une aisance assurée. Tous ses mouvements semblent provenir directement des entrailles de la Terre. Ses bras et ses mains, parfois fendant l’air frénétiquement, n’arrivent pas à rompre la connexion que la danseuse garde avec le sol. Chaque tableau a son état et son costume : les superbes robes conçues par Estuko Ohno, collaboratrice de longue de date de Yoshito et Kazuo Ohno (le père de ce dernier), épousent avec justesse l’atmosphère dans laquelle veut nous plonger l’interprète. On se demande si Lucie Grégoire incarne plusieurs femmes ou une seule à des moments différents. Néanmoins, chacune de ses apparitions est teintée d’un mystère attirant.
En alternance aux solos de Lucie Grégoire apparaît Yoshito Ohno, tel un personnage d’un autre temps. À 73 ans, c’est une brillante leçon de présence scénique qu’offre l’interprète japonais. Ses mouvements sont plus lents que ceux de sa comparse, mais son corps dégage une énergie perceptible jusqu’au fond de la salle. Fidèle à la tradition du butô, l’homme est maquillé entièrement de blanc. Son visage s’illumine sous les projecteurs, il semble absorber la lumière. Tout, dans ses gestes, respire l’intégrité : Yoshito Ohno ne fait pas semblant d’être, il EST. Point à la ligne. C’est exactement ce qui captive, ce qui, malgré la lenteur des mouvements, nous garde rivés vers lui comme on reste pendu aux lèvres d’un brillant orateur.
L’oeuvre, dans son ensemble, touche doucement et profondément. Contemplative à certains moments, sans jamais susciter l’ennui, la pièce est englobante et transporte le public dans un parcours aux atmosphères parfois intimistes, parfois épiques. On pourrait penser a priori que les deux solistes représentent des concepts opposés, ce qui n’est pas tout à fait le cas ici. On retrouve assurément des marques de l’Occident dans les solos de Lucie Grégoire, d’abord par son énergie plus active que son acolyte, ensuite par ses choix musicaux. En effet, un de ses tableaux est dansé sur la pièce musicale – surprenante dans un tel contexte – Set Fire to the Rain, de la chanteuse populaire Adele. Déboussolant dans les premières minutes parce qu’inattendu, ce solo de Lucie Grégoire oppose au tube occidental une danse émanant de l’intérieur et évoquant une femme qui lance un appel à l’aide. On en sort perplexe ou bouleversé, mais certainement pas indifférent.
In Between est plus qu’une simple opposition entre le masculin et le féminin ou entre l’Orient et l’Occident. Yoshito Ohno est intemporel, tandis que Lucie Grégoire semble porter en elle toutes les époques. Lorsqu’ils sont ensemble sur scène, le résultat est une combinaison de force et de fragilité. Ce qu’il y a entre eux, finalement, reste mystérieux. Le spectateur retient son souffle, de peur qu’un seul soupir interrompe la connexion entre les interprètes. In Between, une pièce à consommer lentement et délicatement afin d’en savourer pleinement toutes les nuances.
In Between est présenté jusqu'au 19 novembre. Pour plus de détails, visitez le site web de l'Agora de la danse. http://www.agoradanse.com/fr/spectacles/2011/in-between
Extraits de répétition de In Between.