La relève artistique se mesure contre des oeuvres de taille
30 mai 2012
Critique du spectacle des finissants de L'École de danse contemporaine de Montréal.
- Oliver Koomsatira
Suite à trois années de formation en danse très exigeantes, les finissants de L'École de danse contemporaine de Montréal en sont rendus à présenter le fruit de leur dur labeur devant nuls autres que leurs proches les plus importants ainsi que la communauté, qui risque potentiellement de leur offrir le premier contrat de leur carrière. Vous l'aurez deviné, la pression est haute, très haute ! Surtout quand tu sais que la compétition est extrêmement élevée dans le monde cruel de la danse contemporaine. D’autant plus quand tu danses dans les oeuvres de grands chorégraphes comme Jean-Pierre Perreault et Marie Chouinard ainsi que dans celles de chorégraphes établies et bien en vue comme Dominique Porte et Marie Béland. Disons que que t'as pas le goût de manquer ton coup… surtout quand t'as juste trois représentations pour montrer tout l'étendue de ton talent.
Heureusement, tu as la certitude que si tu as fait tout ce que tes enseignants t'ont demandé, que tu t'es forcé à aller aux classes techniques même si t'avais mal partout et que t'avais pas le goût de quitter ton lit douillet pour aller te faire fouetter par des professeurs qui te scrutent à la loupe, dans ce cas, au moins t'es certain que tu donneras le mieux que tu peux, en espérant que tout ce passera bien. Courage jeunes danseuses et danseurs contemporains, le combat vient tout juste de commencer.
À la première bataille, les jeunes guerriers se sont attaqués à deux extraits des oeuvres de Jean-Pierre Perreault ; un des pionniers de la danse contemporaine au Québec. Vêtus des costumes de gens qui, ironiquement, symbolisent probablement pour la majorité de ses étudiants le pire résultat possible suite à leur graduation : complets veston cravate de fonctionnaires ou employés de bureau, c'est ainsi habillés qu'ils donnèrent tout ce qu'ils avaient en tant qu'artistes pour s'assurer d'être vêtus de vêtement de danse pour les prochaines années. Assurément, ils insufflèrent un nouveau souffle de vie dans ces oeuvres qui ont marquées l'histoire de la danse contemporaine québécoise. Séquences évocatrices, répétées maintes et maintes fois, dans tous les angles, tous les agencements de danseurs possible, comme pour représenter les automates défectueux que nous sommes devenus aujourd'hui afin de pouvoir subvenir à nos besoins primaires. Le travail du défunt chorégraphe était certainement un défi monumental pour ses jeunes virtuoses en devenir ; toujours poussés à être en déséquilibre, à mélanger leurs points de repères en les faisant changer rapidement de direction sans cesse, leur faisant répéter encore et encore les mêmes mouvements avec quelques petites variations, et ce en nécessitant une écoute impeccable parce qu'ils devaient être synchronisés au millimètre près pour ne pas avoir l'air d'être dans les patates... De plus, comment ne pas perdre l'attention et l'intérêt de son public quand il n'y a pas de musique pour stimuler leurs oreilles et qu'on a l'impression que la cassette est rembobinée au début de la pièce à force de revoir la même gestuelle ? Il faut être un interprète doté d'une grande présence, d'un charisme puissant ainsi que d'une technique adéquate pour bien rendre ce matériel. Un choix judicieux pour pousser ces jeunes danseurs au bout de leurs capacités !
Au deuxième combat, il n’y avait cette fois-ci que la moitié du bataillon pour s'attaquer à l'oeuvre névrosée de la chorégraphe Dominique Porte. Ce qui commence tout d'abord comme une rencontre assez normale et progressive d'amies dans un club techno, devient rapidement un festival de crise d'épilepsie collective qui s'empare des corps et des âmes de ces personnages qui semblaient à première vue très saints d'esprit. Les danseurs font cette fois-ci usage de leur force d'interprétation à la fois au niveau de l'énergie avec laquelle ils déploient les mouvements ainsi qu'au niveau de leur capacité de jouer des rôles de façon crédible et engageante. Au grand bonheur des interprètes, ils ont tous eu la chance de se démarquer à travers les solos et les duos que la chorégraphe leur a généreusement alloués. C'est ainsi que nous avons pu voir chaque interprète de plus près, chose qui est très difficile à accomplir lorsqu'il y a 15 personnes sur scène tous habillés de la même façon qui exécutent les mêmes séquences. Au contraire, avec les sept heureux élus, nous avons eu la chance de voir tous les atouts qu'ils ont développé au fil de leur formation. Ils ont su habiter avec une dextérité impressionnante le style « changement d'énergie à la vitesse lumière » de Dominique Porte qui requiert une concentration béton et une palette de couleurs que l'on retrouve dans la section peinture de Réno-Dépôt ; c'est-à-dire beaucoup, beaucoup de subtilités, ce qui se développe normalement avec des années d'expérience. Un autre grand défi de surmonté pour eux !
En troisième guerre mondiale, l'autre moitié du bataillon s'est aventurée dans les tranchées de l'imaginaire coloré de la chorégraphe Marie Béland. Dans un univers inspiré des années 50, les interprètes ont cette fois-ci fusionné le Swing à la danse contemporaine, tout en puisant massivement dans leur talent d'acteur et leur présence scénique. La chorégraphe n'a pas été douce douce avec eux en leur imposant plusieurs longs solos, plusieurs séquences de travail de partenaire acrobatiques et exigeantes, ainsi que, comme les deux oeuvres précédentes, énormément de répétitions de gestuelle. Le cerveau humain moyen d'aujourd'hui n'est pas habitué de voir et revoir la même chose encore et encore, surtout à l'ère où tout est accessible au bout des doigts à la seconde près. Il faut donc une bonne dose de charme de la part d'un interprète pour refaire la même séquence sans que le public Ritalin ne veuille te lancer son Iphone 18 par la tête. Heureusement, avec le ton humoristique de l'oeuvre, l'évolution subtile et progressive de celle-ci ainsi que le charisme indéniable des jeunes danseurs, la pièce a suscité beaucoup de réactions du public. L'absurdité et la théâtralité qui ont été créées ont vraiment chatouillé les spectateurs, chose qui est rarement accomplie en danse contemporaine. Voilà la preuve que ça peut être très rigolo la danse contemporaine, ce n'est pas juste des gens habillés en culottes beiges qui se lancent par terre dans le silence de la douleur envenimante de l'existentialisme accablé par l'incompréhension polyphasée névralgique qui ignifuge l'ennoblissement du synecdoque trépas. Oui.
Après l'entracte bien apprécié, le public a fini le marathon avec nul autre que quelques extraits des 24 Préludes de Chopin de Marie Chouinard. Oh là là… là on niaise plus, si il y a bien un rêve brûlant dans l'âme des danseurs contemporains, ce serait certes de se tailler une place dans la compagnie de LA chorégraphe qui a vu son nom entré dans le Petit Larousse illustré en 2010 ! Quand même… t'as vraiment pas le goût de te gourer cette fois-ci. Vêtus d'un collant ressemblant à un «Scring» avec des bandes ressemblant à du «Duck Tape» noir cachant, heureusement ou malheureusement, tout dépendant de vos affinités, les seins et le pubis de ses jeunes athlètes bien sculptés, les spectateurs ont eu droit à un changement de vitesse très stimulant. Au lieu d'être une pièce en continu, c'étaient de courtes vignettes chorégraphiques créées sur la musique de Chopin. Donc, si M. Chopin a décidé que ça durait juste 46 secondes, eh bien Mme. Chouinard a dit Dacodac, j'ai juste 46 secondes pour trouver un début, un milieu et une fin. Encore une fois, un succès fulgurant pour assouvir le petit appétit du public sans l'assommer à coup de matraque toute la soirée. Il sera probablement très intéressant pour les fins connaisseurs de danse contemporaine qui auraient déjà vu cette oeuvre avec les interprètes originaux, de comparer, avec leur oeil de lynx cruel, la différence qui sépare de près ou de loin les capacités de la relève artistique québécoise. Quoiqu'on puisse dire, l'ingéniosité épurée de l'oeuvre s'est très bien transmise à travers eux car ils ont suscité beaucoup de rire du public. Pas un fou rire de Louis José Houde, mais plutôt un petit ha ha d'enchantement et de surprise.
En somme, la soirée a bien réussi à nous donner espoir que ces jeunes artistes ont reçu la meilleure chance possible dans le nid de L'École de danse contemporaine de Montréal afin qu'ils puissent survivent, si tel est leur désir, dans la jungle cruelle du monde de la danse. Quoique que les statistiques de succès en danse ne soient pas très motivantes pour quiconque souhaite bien vivre de ce métier, reste que cette institution peut quand même vanter le fait qu'ils ont formé plus de 200 interprètes qui oeuvrent aujourd'hui dans des compagnies telle que la Compagnie Marie Chouinard, O Vertigo, Cas Public, le Cirque du Soleil, le Carré des Lombes et la Compagnie Flak, parmi tant d'autres. Et si jamais il n'y pas assez de financement public pour engager tous ces talents, il y a toujours des artistes-entrepreneurs qui peuvent démarrer leur propre compagnie. Après tout, c'est comme ça que toutes les grandes compagnies d'aujourd'hui ont démarré : un spectacle à la fois, une tournée à la fois, une bourse à la fois, ainsi de suite jusqu'à ce que, à force de persévérer, ces petites compagnies ont réussi à vendre leur importance au lien le plus crucial… vous, cher public.
Pour plus de détails sur le spectacle, visitez le site web de L'École de danse contemporaine de Montréal.
http://www.edcmtl.com/fr/du-24-au-26-mai-les-finissants-en-spectacle
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Heureusement, tu as la certitude que si tu as fait tout ce que tes enseignants t'ont demandé, que tu t'es forcé à aller aux classes techniques même si t'avais mal partout et que t'avais pas le goût de quitter ton lit douillet pour aller te faire fouetter par des professeurs qui te scrutent à la loupe, dans ce cas, au moins t'es certain que tu donneras le mieux que tu peux, en espérant que tout ce passera bien. Courage jeunes danseuses et danseurs contemporains, le combat vient tout juste de commencer.
À la première bataille, les jeunes guerriers se sont attaqués à deux extraits des oeuvres de Jean-Pierre Perreault ; un des pionniers de la danse contemporaine au Québec. Vêtus des costumes de gens qui, ironiquement, symbolisent probablement pour la majorité de ses étudiants le pire résultat possible suite à leur graduation : complets veston cravate de fonctionnaires ou employés de bureau, c'est ainsi habillés qu'ils donnèrent tout ce qu'ils avaient en tant qu'artistes pour s'assurer d'être vêtus de vêtement de danse pour les prochaines années. Assurément, ils insufflèrent un nouveau souffle de vie dans ces oeuvres qui ont marquées l'histoire de la danse contemporaine québécoise. Séquences évocatrices, répétées maintes et maintes fois, dans tous les angles, tous les agencements de danseurs possible, comme pour représenter les automates défectueux que nous sommes devenus aujourd'hui afin de pouvoir subvenir à nos besoins primaires. Le travail du défunt chorégraphe était certainement un défi monumental pour ses jeunes virtuoses en devenir ; toujours poussés à être en déséquilibre, à mélanger leurs points de repères en les faisant changer rapidement de direction sans cesse, leur faisant répéter encore et encore les mêmes mouvements avec quelques petites variations, et ce en nécessitant une écoute impeccable parce qu'ils devaient être synchronisés au millimètre près pour ne pas avoir l'air d'être dans les patates... De plus, comment ne pas perdre l'attention et l'intérêt de son public quand il n'y a pas de musique pour stimuler leurs oreilles et qu'on a l'impression que la cassette est rembobinée au début de la pièce à force de revoir la même gestuelle ? Il faut être un interprète doté d'une grande présence, d'un charisme puissant ainsi que d'une technique adéquate pour bien rendre ce matériel. Un choix judicieux pour pousser ces jeunes danseurs au bout de leurs capacités !
Au deuxième combat, il n’y avait cette fois-ci que la moitié du bataillon pour s'attaquer à l'oeuvre névrosée de la chorégraphe Dominique Porte. Ce qui commence tout d'abord comme une rencontre assez normale et progressive d'amies dans un club techno, devient rapidement un festival de crise d'épilepsie collective qui s'empare des corps et des âmes de ces personnages qui semblaient à première vue très saints d'esprit. Les danseurs font cette fois-ci usage de leur force d'interprétation à la fois au niveau de l'énergie avec laquelle ils déploient les mouvements ainsi qu'au niveau de leur capacité de jouer des rôles de façon crédible et engageante. Au grand bonheur des interprètes, ils ont tous eu la chance de se démarquer à travers les solos et les duos que la chorégraphe leur a généreusement alloués. C'est ainsi que nous avons pu voir chaque interprète de plus près, chose qui est très difficile à accomplir lorsqu'il y a 15 personnes sur scène tous habillés de la même façon qui exécutent les mêmes séquences. Au contraire, avec les sept heureux élus, nous avons eu la chance de voir tous les atouts qu'ils ont développé au fil de leur formation. Ils ont su habiter avec une dextérité impressionnante le style « changement d'énergie à la vitesse lumière » de Dominique Porte qui requiert une concentration béton et une palette de couleurs que l'on retrouve dans la section peinture de Réno-Dépôt ; c'est-à-dire beaucoup, beaucoup de subtilités, ce qui se développe normalement avec des années d'expérience. Un autre grand défi de surmonté pour eux !
En troisième guerre mondiale, l'autre moitié du bataillon s'est aventurée dans les tranchées de l'imaginaire coloré de la chorégraphe Marie Béland. Dans un univers inspiré des années 50, les interprètes ont cette fois-ci fusionné le Swing à la danse contemporaine, tout en puisant massivement dans leur talent d'acteur et leur présence scénique. La chorégraphe n'a pas été douce douce avec eux en leur imposant plusieurs longs solos, plusieurs séquences de travail de partenaire acrobatiques et exigeantes, ainsi que, comme les deux oeuvres précédentes, énormément de répétitions de gestuelle. Le cerveau humain moyen d'aujourd'hui n'est pas habitué de voir et revoir la même chose encore et encore, surtout à l'ère où tout est accessible au bout des doigts à la seconde près. Il faut donc une bonne dose de charme de la part d'un interprète pour refaire la même séquence sans que le public Ritalin ne veuille te lancer son Iphone 18 par la tête. Heureusement, avec le ton humoristique de l'oeuvre, l'évolution subtile et progressive de celle-ci ainsi que le charisme indéniable des jeunes danseurs, la pièce a suscité beaucoup de réactions du public. L'absurdité et la théâtralité qui ont été créées ont vraiment chatouillé les spectateurs, chose qui est rarement accomplie en danse contemporaine. Voilà la preuve que ça peut être très rigolo la danse contemporaine, ce n'est pas juste des gens habillés en culottes beiges qui se lancent par terre dans le silence de la douleur envenimante de l'existentialisme accablé par l'incompréhension polyphasée névralgique qui ignifuge l'ennoblissement du synecdoque trépas. Oui.
Après l'entracte bien apprécié, le public a fini le marathon avec nul autre que quelques extraits des 24 Préludes de Chopin de Marie Chouinard. Oh là là… là on niaise plus, si il y a bien un rêve brûlant dans l'âme des danseurs contemporains, ce serait certes de se tailler une place dans la compagnie de LA chorégraphe qui a vu son nom entré dans le Petit Larousse illustré en 2010 ! Quand même… t'as vraiment pas le goût de te gourer cette fois-ci. Vêtus d'un collant ressemblant à un «Scring» avec des bandes ressemblant à du «Duck Tape» noir cachant, heureusement ou malheureusement, tout dépendant de vos affinités, les seins et le pubis de ses jeunes athlètes bien sculptés, les spectateurs ont eu droit à un changement de vitesse très stimulant. Au lieu d'être une pièce en continu, c'étaient de courtes vignettes chorégraphiques créées sur la musique de Chopin. Donc, si M. Chopin a décidé que ça durait juste 46 secondes, eh bien Mme. Chouinard a dit Dacodac, j'ai juste 46 secondes pour trouver un début, un milieu et une fin. Encore une fois, un succès fulgurant pour assouvir le petit appétit du public sans l'assommer à coup de matraque toute la soirée. Il sera probablement très intéressant pour les fins connaisseurs de danse contemporaine qui auraient déjà vu cette oeuvre avec les interprètes originaux, de comparer, avec leur oeil de lynx cruel, la différence qui sépare de près ou de loin les capacités de la relève artistique québécoise. Quoiqu'on puisse dire, l'ingéniosité épurée de l'oeuvre s'est très bien transmise à travers eux car ils ont suscité beaucoup de rire du public. Pas un fou rire de Louis José Houde, mais plutôt un petit ha ha d'enchantement et de surprise.
En somme, la soirée a bien réussi à nous donner espoir que ces jeunes artistes ont reçu la meilleure chance possible dans le nid de L'École de danse contemporaine de Montréal afin qu'ils puissent survivent, si tel est leur désir, dans la jungle cruelle du monde de la danse. Quoique que les statistiques de succès en danse ne soient pas très motivantes pour quiconque souhaite bien vivre de ce métier, reste que cette institution peut quand même vanter le fait qu'ils ont formé plus de 200 interprètes qui oeuvrent aujourd'hui dans des compagnies telle que la Compagnie Marie Chouinard, O Vertigo, Cas Public, le Cirque du Soleil, le Carré des Lombes et la Compagnie Flak, parmi tant d'autres. Et si jamais il n'y pas assez de financement public pour engager tous ces talents, il y a toujours des artistes-entrepreneurs qui peuvent démarrer leur propre compagnie. Après tout, c'est comme ça que toutes les grandes compagnies d'aujourd'hui ont démarré : un spectacle à la fois, une tournée à la fois, une bourse à la fois, ainsi de suite jusqu'à ce que, à force de persévérer, ces petites compagnies ont réussi à vendre leur importance au lien le plus crucial… vous, cher public.
Pour plus de détails sur le spectacle, visitez le site web de L'École de danse contemporaine de Montréal.
http://www.edcmtl.com/fr/du-24-au-26-mai-les-finissants-en-spectacle
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