Tangente nous fait tourner encore et encore
2 mars 2012
Critique du spectacle Spin de Rebecca Halls et Century of Small de Mira Hunter.
- Mandana Anahita (Bio)

©Frédéric Chais/Century of small de Mira Hunter/Brian Burke
Trouver le point de contact dans cet espace flottant, entre le monde matériel et le monde spirituel : « une réactualisation d’une lexicographie culturelle », avec Spin de Rebecca Halls et Century of Small de Mira Hunter.
1er mars 2012, une grande première pour Rebecca Halls qui sans équivoque nous invite dans un monde sphérique de lumière et de jeu, au timbre palpitant du souffle, nous présentant Spin, une pièce de danse contemporaine mettant en scène le Hula Hoop chorégraphié. Sa technique intègre naturellement les bases fondamentales du contact-improvisation, une technique de danse basée sur le rapport à l’espace-temps avec ou sans partenaire dans une recherche constante de sa kinesphère, générant un mouvement spiralé pour en dévoiler une danse, voir un art acrobatique.
Une lumière translucide nous expose la silhouette d’une femme, coiffée d’un chignon, telle une jeune ballerine. Nous sommes invités dans un espace où le temps est suspendu, un large cerceau matérialisant sa kinesphère l’accompagne. Rebecca Halls s’est lancée un très beau défi en travaillant à plusieurs niveaux dans sa pièce, soit visuel, vidéographique, chorégraphique, technique, et métaphorique. Je ne pourrais parler en détail de tous ces aspects, mais ce n’est pas l’envie qui me manque. C’est une évidence que le cerceau vient nous évoquer le thème du cercle, de la féminité, de la maternité et de la sensualité mais il est encore plus beau d’y trouver le thème de la spirale et du souffle, de l’air, et même de l’éther, ce même espace vide qui dessine notre kinesphère et notre rapport au monde dès la naissance. La danse avec le partenaire invisible, voici ce qui me touche le plus, cette maîtrise du cerceau, qui nous laisse presque l’illusion que c’est celui-ci qui la fait danser. Il s’y incarne un jeu de transfert de poids en relation avec la gravité et l’espace vide, ce qui transforme le danseur en une énergie effervescente abstraite synchronisée par le souffle. C’est dans cette relation du couple que la magie s’installe sur scène telle qu’elle nous le transmet ici, « The hoop provides a circular surface for me to respond to. [...] I also use the hoops as a counterweight, from which I am able to find the center between me and the hoop(s) ».
La chorégraphe ne nous laisse pas sur notre faim, en approfondissant sa recherche sur l’espace, et l’air, débutant par la projection de Marites Carino, un film qui a été présenté internationalement dans plusieurs festivals, mettant en relief l’univers aérien et spiralé du cerceau présentant la danseuse d’origine islandaise. C’est au cours de la pièce que Rebecca Halls ajoute un nouveau paramètre, la robe « tourneur », révélant à nous des formes de sculptures. Après avoir travaillé la propulsion, le contrepoids et le momentum, l’artiste propose littéralement la suspension en se laissant suspendre dans les airs, abandonnant ses partenaires sphériques au sol, ce qui lui donna un bref répit avant de terminer avec une prestation chorégraphiée purement de hula hoop, dans une parfaite maîtrise de son art.
Je ne parlerai pas de la deuxième pièce sans citer Jelaladdin Rumi, un soufi poète et philosophe perse « My place is placeless, a trace of traceless, neither body or soul, I belong to the beloved, I have seen the two worlds as one, and that one call to and know, first, last, outer, inner, only that breath, breathing human being » Un poème où il évoque comment le divin s’est incarné pour lui, soit dans le contact pur à l’essence, le souffle.
Ce thème commun aux représentations de ce soir met en scène le travail visuel et chorégraphique de Mira Hunter, derviche de seconde génération, dans Century of Small.
Un brillant couple d’artiste, le créateur sonore canadien Eric Powell, et le père de la chorégraphe, l’interprète Raqib Bryan Burke, font honneur avec succès à la danse des derviches tourneurs, une très ancienne tradition soufi où la danse est une prière en soi, une œuvre de dévotion du cœur au divin. Raqib Burke ouvre l’espace en se courbant en avant puis en embrassant le front au sol, telle toutes les anciennes traditions spirituelles du monde entier, la danse devient un rituel dans lequel, nous demandons permission à la Terre de danser sur elle pour elle.
Dans le sens contraire de l’aiguille d’une montre, nous sommes à nouveau replongés dans le souffle, au rythme des pas qui correspondent à chaque battement de cœur. Le duo musicien et danseur nous transporte dans une dimension intemporelle. Rien de plus sublime que d’être porté par les sons « AUM » dans une vocalise improvisée par Powell. La gestuelle de cette danse spiralée orchestrée par le souffle, une main tournée vers la terre et l’autre vers le ciel, n’est pas l’unique source de sérénité que j’y trouve. Le visage d’abandon qui se lit sur l’interprète rend bien compte le fait que je ne suis pas spectatrice d’une performance ordinaire mais bien à l’écoute d’un témoignage, d’une prière sans mot. Burke expose son cœur en faisant trois tours de la salle détenant une signification symbolique dans sa communion avec le divin. La projection vidéographique qui complète cette pièce nourrit notre soif du narratif et viendra mettre peut-être quelques mots sur l’indicible.
Telle l’image métaphorique de l’union des cinq cerceaux de Halls, les 5 éléments l’eau, l’air, le feu, la terre et l’éther sont magnifiquement interprétés dans le travail sonore et visuel, nous donnant la chance de visualiser et de prendre conscience que grâce à la danse des atomes tout revient à la terre, sous forme de « poussière d’étoiles », l’infiniment petit. « Il est un soleil caché dans un atome : soudain cet atome ouvre la bouche. Les cieux et la terre s'effritent en poussière devant ce soleil lorsqu'il surgit de l'embuscade. » Rumi
Pour plus de détails sur le spectacle visitez le site web de Tangente. Vous avez jusqu'à dimanche pour y assister.
http://www.tangente.qc.ca/index.php?option=com_content&view=article&id=43&lang=fr&Itemid=
Extraits du spectacle Spin de Rebecca Halls.
1er mars 2012, une grande première pour Rebecca Halls qui sans équivoque nous invite dans un monde sphérique de lumière et de jeu, au timbre palpitant du souffle, nous présentant Spin, une pièce de danse contemporaine mettant en scène le Hula Hoop chorégraphié. Sa technique intègre naturellement les bases fondamentales du contact-improvisation, une technique de danse basée sur le rapport à l’espace-temps avec ou sans partenaire dans une recherche constante de sa kinesphère, générant un mouvement spiralé pour en dévoiler une danse, voir un art acrobatique.
Une lumière translucide nous expose la silhouette d’une femme, coiffée d’un chignon, telle une jeune ballerine. Nous sommes invités dans un espace où le temps est suspendu, un large cerceau matérialisant sa kinesphère l’accompagne. Rebecca Halls s’est lancée un très beau défi en travaillant à plusieurs niveaux dans sa pièce, soit visuel, vidéographique, chorégraphique, technique, et métaphorique. Je ne pourrais parler en détail de tous ces aspects, mais ce n’est pas l’envie qui me manque. C’est une évidence que le cerceau vient nous évoquer le thème du cercle, de la féminité, de la maternité et de la sensualité mais il est encore plus beau d’y trouver le thème de la spirale et du souffle, de l’air, et même de l’éther, ce même espace vide qui dessine notre kinesphère et notre rapport au monde dès la naissance. La danse avec le partenaire invisible, voici ce qui me touche le plus, cette maîtrise du cerceau, qui nous laisse presque l’illusion que c’est celui-ci qui la fait danser. Il s’y incarne un jeu de transfert de poids en relation avec la gravité et l’espace vide, ce qui transforme le danseur en une énergie effervescente abstraite synchronisée par le souffle. C’est dans cette relation du couple que la magie s’installe sur scène telle qu’elle nous le transmet ici, « The hoop provides a circular surface for me to respond to. [...] I also use the hoops as a counterweight, from which I am able to find the center between me and the hoop(s) ».
La chorégraphe ne nous laisse pas sur notre faim, en approfondissant sa recherche sur l’espace, et l’air, débutant par la projection de Marites Carino, un film qui a été présenté internationalement dans plusieurs festivals, mettant en relief l’univers aérien et spiralé du cerceau présentant la danseuse d’origine islandaise. C’est au cours de la pièce que Rebecca Halls ajoute un nouveau paramètre, la robe « tourneur », révélant à nous des formes de sculptures. Après avoir travaillé la propulsion, le contrepoids et le momentum, l’artiste propose littéralement la suspension en se laissant suspendre dans les airs, abandonnant ses partenaires sphériques au sol, ce qui lui donna un bref répit avant de terminer avec une prestation chorégraphiée purement de hula hoop, dans une parfaite maîtrise de son art.
Je ne parlerai pas de la deuxième pièce sans citer Jelaladdin Rumi, un soufi poète et philosophe perse « My place is placeless, a trace of traceless, neither body or soul, I belong to the beloved, I have seen the two worlds as one, and that one call to and know, first, last, outer, inner, only that breath, breathing human being » Un poème où il évoque comment le divin s’est incarné pour lui, soit dans le contact pur à l’essence, le souffle.
Ce thème commun aux représentations de ce soir met en scène le travail visuel et chorégraphique de Mira Hunter, derviche de seconde génération, dans Century of Small.
Un brillant couple d’artiste, le créateur sonore canadien Eric Powell, et le père de la chorégraphe, l’interprète Raqib Bryan Burke, font honneur avec succès à la danse des derviches tourneurs, une très ancienne tradition soufi où la danse est une prière en soi, une œuvre de dévotion du cœur au divin. Raqib Burke ouvre l’espace en se courbant en avant puis en embrassant le front au sol, telle toutes les anciennes traditions spirituelles du monde entier, la danse devient un rituel dans lequel, nous demandons permission à la Terre de danser sur elle pour elle.
Dans le sens contraire de l’aiguille d’une montre, nous sommes à nouveau replongés dans le souffle, au rythme des pas qui correspondent à chaque battement de cœur. Le duo musicien et danseur nous transporte dans une dimension intemporelle. Rien de plus sublime que d’être porté par les sons « AUM » dans une vocalise improvisée par Powell. La gestuelle de cette danse spiralée orchestrée par le souffle, une main tournée vers la terre et l’autre vers le ciel, n’est pas l’unique source de sérénité que j’y trouve. Le visage d’abandon qui se lit sur l’interprète rend bien compte le fait que je ne suis pas spectatrice d’une performance ordinaire mais bien à l’écoute d’un témoignage, d’une prière sans mot. Burke expose son cœur en faisant trois tours de la salle détenant une signification symbolique dans sa communion avec le divin. La projection vidéographique qui complète cette pièce nourrit notre soif du narratif et viendra mettre peut-être quelques mots sur l’indicible.
Telle l’image métaphorique de l’union des cinq cerceaux de Halls, les 5 éléments l’eau, l’air, le feu, la terre et l’éther sont magnifiquement interprétés dans le travail sonore et visuel, nous donnant la chance de visualiser et de prendre conscience que grâce à la danse des atomes tout revient à la terre, sous forme de « poussière d’étoiles », l’infiniment petit. « Il est un soleil caché dans un atome : soudain cet atome ouvre la bouche. Les cieux et la terre s'effritent en poussière devant ce soleil lorsqu'il surgit de l'embuscade. » Rumi
Pour plus de détails sur le spectacle visitez le site web de Tangente. Vous avez jusqu'à dimanche pour y assister.
http://www.tangente.qc.ca/index.php?option=com_content&view=article&id=43&lang=fr&Itemid=
Extraits du spectacle Spin de Rebecca Halls.