Plongez dans le monde mystérieusement funèbre de Mandala Sitù
19 Janvier 2012
Critique de Bijoux de Mandala Sitù présenté à L'Agora de la danse.
- Oliver Koomsatira
Karina Iraola dans Bijoux de Mandala Sitù. Photo de Mathieu Doyon.
Dans la plupart des compagnies de danse, le chorégraphe est le capitaine du navire. Il prend toutes les décisions, tant au niveau artistique qu'administratif, tandis que les danseurs ne remplissent souvent que la fonction d'interprétation tout en contribuant au processus créatif. Rares sont les compagnies établies dirigées par des danseurs qui assument eux-mêmes la production et qui à l'inverse engagent les chorégraphes pour que ces derniers créent sur eux sans les avoir passé en audition avant. Heureusement, pour représenter le camp des danseurs dans cette mesure, il existe Mandala Sitù, une jeune compagnie de danse fondée en 2006 par Marie-Gabrielle Ménard qui a pour mission «de promouvoir le talent exceptionnel de ses interprètes et de s'élever au statut d'incontournable en créant et produisant des spectacles hybrides de danse contemporaine, articulés autour de la thématique du Féminin». Audacieux? Certainement. Cette audace est d'ailleurs probablement l'ingrédient magique qui fait la différence entre un artiste qui, de talent égal à son prochain, réussit, pendant que l'autre décide de jeter la serviette suite à un rejet de trop.
Pour ceux qui ne connaissent pas la compagnie Mandala Sitù, celle-ci a déjà à son répertoire les chorégraphies de Marie-Pascale Bélanger (L'Oeil du Pigeon en 2006), Dave St-Pierre (Warning en 2008) et Manon Oligny (Tartare en 2011). Cette fois-ci, ça a été au tour des chorégraphes Louis-Martin Charest, Pierre Lecours, Normand Marcy, Brice Noeser et David Rancourt de créer les oeuvres qui font dorénavant parties du spectacle Bijoux.
Cinq chorégraphes masculins pour cinq interprètes féminines. Quoique les créateurs nommés ci-dessus aillent des «parcours artistiques diamétralement opposés», le spectacle a tout-de-même préservé une excellente cohésion globale par le biais de son travail de coeur, de ses costumes, ainsi que de sa musicienne jouant en direct. D'ailleurs, cette dernière, une pianiste nommée Gaële, a composé tout l'univers musical et sonore de la pièce et a offert une excellente interprétation de ses oeuvres originales. Sa composition captivante et enveloppante interprétée au piano était aussi entrecoupée par des interventions musicales plutôt contemporaines qui utilisaient par exemple un instrument amené sur un plateau rond comme un gâteau de fête pour ensuite… je ne veux pas trop en révéler. Ou bien lorsque la danseuse Karina Iraola a agrémenté l'univers sonore à l'aide d'objets faisant partie du quotidien, tel un gros couteau et une théière. Gaële a également
apporté une présence féminine en chantant des passages sans mots, nous plongeants ainsi encore plus profondément dans la thématique de la soirée.
Un aspect qui saute aux yeux dès notre arrivée en salle est sans aucun doute les oeuvres d'arts de Lampi Lampa conçues par Emmanuel Cognée. Définitivement de vrais bijoux que l'on peut observer pendant longtemps sans s'ennuyer, ces grosses lampes faites d'objets insolites nous confirment à quel point un esprit créatif peut avoir un impact positif et nous émerveiller en réutilisant des choses qui n'ont aucune valeur aux yeux de «monsieur-madame-tout-le-monde». Intimement liée à ces créations phénoménales, la conception d'éclairage évocatrice d'Anne-Marie Rodrigue-Lecours a parfaitement englobé l'ensemble de l'oeuvre tout en alimentant l'unicité de chaque univers distinct. Sans voler la vedette aux danseuses, les changements d'éclairages étaient parfois vifs et dynamiques, soutenant ainsi l'élan des séquences tout en créant des cassures subites.
Maintenant, la pièce de résistance, les danseuses et leurs chorégraphes. Comme les interprètes ont préservé les mêmes costumes très élégants et originaux du début à la fin, ceux-ci conçus par Marie Saint Pierre qui est certainement digne de mention, et que chaque oeuvre coulait l'une dans l'autre de manière fluide, il était parfois moins évident de savoir à quel chorégraphe appartenait la fin ou le début de tel ou tel tableau. Donc, voici la mention générale aux cinq chorégraphes et à la directrice artistique au cas où un commentaire tomberait dans la mauvaise boîte aux lettres. Bravo.
Pour ceux qui ne connaissent pas la compagnie Mandala Sitù, celle-ci a déjà à son répertoire les chorégraphies de Marie-Pascale Bélanger (L'Oeil du Pigeon en 2006), Dave St-Pierre (Warning en 2008) et Manon Oligny (Tartare en 2011). Cette fois-ci, ça a été au tour des chorégraphes Louis-Martin Charest, Pierre Lecours, Normand Marcy, Brice Noeser et David Rancourt de créer les oeuvres qui font dorénavant parties du spectacle Bijoux.
Cinq chorégraphes masculins pour cinq interprètes féminines. Quoique les créateurs nommés ci-dessus aillent des «parcours artistiques diamétralement opposés», le spectacle a tout-de-même préservé une excellente cohésion globale par le biais de son travail de coeur, de ses costumes, ainsi que de sa musicienne jouant en direct. D'ailleurs, cette dernière, une pianiste nommée Gaële, a composé tout l'univers musical et sonore de la pièce et a offert une excellente interprétation de ses oeuvres originales. Sa composition captivante et enveloppante interprétée au piano était aussi entrecoupée par des interventions musicales plutôt contemporaines qui utilisaient par exemple un instrument amené sur un plateau rond comme un gâteau de fête pour ensuite… je ne veux pas trop en révéler. Ou bien lorsque la danseuse Karina Iraola a agrémenté l'univers sonore à l'aide d'objets faisant partie du quotidien, tel un gros couteau et une théière. Gaële a également
apporté une présence féminine en chantant des passages sans mots, nous plongeants ainsi encore plus profondément dans la thématique de la soirée.
Un aspect qui saute aux yeux dès notre arrivée en salle est sans aucun doute les oeuvres d'arts de Lampi Lampa conçues par Emmanuel Cognée. Définitivement de vrais bijoux que l'on peut observer pendant longtemps sans s'ennuyer, ces grosses lampes faites d'objets insolites nous confirment à quel point un esprit créatif peut avoir un impact positif et nous émerveiller en réutilisant des choses qui n'ont aucune valeur aux yeux de «monsieur-madame-tout-le-monde». Intimement liée à ces créations phénoménales, la conception d'éclairage évocatrice d'Anne-Marie Rodrigue-Lecours a parfaitement englobé l'ensemble de l'oeuvre tout en alimentant l'unicité de chaque univers distinct. Sans voler la vedette aux danseuses, les changements d'éclairages étaient parfois vifs et dynamiques, soutenant ainsi l'élan des séquences tout en créant des cassures subites.
Maintenant, la pièce de résistance, les danseuses et leurs chorégraphes. Comme les interprètes ont préservé les mêmes costumes très élégants et originaux du début à la fin, ceux-ci conçus par Marie Saint Pierre qui est certainement digne de mention, et que chaque oeuvre coulait l'une dans l'autre de manière fluide, il était parfois moins évident de savoir à quel chorégraphe appartenait la fin ou le début de tel ou tel tableau. Donc, voici la mention générale aux cinq chorégraphes et à la directrice artistique au cas où un commentaire tomberait dans la mauvaise boîte aux lettres. Bravo.
La première pièce interprétée par Milan Gervais, créée par Brice Noeser a bien donné le ton que le majorité du spectacle préserva; une chorégraphie évocatrice et complexe nécessitant toute l'attention de sa muse afin de rendre ses répétitions de séquences intéressantes et poignantes. Le moment le plus marquant de l'oeuvre eut lieu lors du crescendo exaltant de sa phrase récurrente qui poussa l'interprète jusqu'à l'épuisement, tout en changeant de qualité de mouvement, avec ses bras mêlés entre-eux, masquant parfois son visage avec ses mains. La présence profonde et funèbre de Milan Gervais se retrouva chez toutes les danseuses pour la majeure partie du spectacle.
À l'aide d'une interprète très impressionnante tant au niveau technique qu'au niveau de la présence scénique, Geneviève Bolla, la deuxième pièce créée par Pierre Lecours a certainement mis en confiance ceux qui découvraient cette compagnie pour la première fois. Quoique ces interprètes soient jeunes, nous avons affaire à des danseuses solides et charismatiques. Geneviève Bolla s'est emparée de la scène avec une confiance et une énergie saisissante. Le chorégraphe a vraiment mis en valeur sa danseuse étoile en utilisant ses lignes de jambes découpées au couteau tout en construisant des séquences qui voyageaient partout dans l'espace et à tous les niveaux. Un défi d'interprétation de taille pour une danseuse palpitante à regarder. Un moment très fort du spectacle.
Nous propulsant dans un univers complètement différent, Normand Marcy a créé une pièce beaucoup plus théâtrale, parfois même macabre et tordue. Se dévoilant à un rythme plus lent, le public a eu droit à un personnage considérablement plus développé à l'aide d'accessoires et de quelques indices narratifs. La danseuse principale de l'oeuvre était bien sélectionnée pour rendre le propos; Émilie Gratton nous laissa naturellement un sentiment de légèreté tout au long du spectacle mais plus particulièrement lorsque ce sentiment fut accentué par les choix et les positions pseudo-comiques de Normand Marcy. L'interprète ne semblait certainement pas avoir peur du ridicule, ou du moins, de l'embarras.
À l'aide d'une interprète très impressionnante tant au niveau technique qu'au niveau de la présence scénique, Geneviève Bolla, la deuxième pièce créée par Pierre Lecours a certainement mis en confiance ceux qui découvraient cette compagnie pour la première fois. Quoique ces interprètes soient jeunes, nous avons affaire à des danseuses solides et charismatiques. Geneviève Bolla s'est emparée de la scène avec une confiance et une énergie saisissante. Le chorégraphe a vraiment mis en valeur sa danseuse étoile en utilisant ses lignes de jambes découpées au couteau tout en construisant des séquences qui voyageaient partout dans l'espace et à tous les niveaux. Un défi d'interprétation de taille pour une danseuse palpitante à regarder. Un moment très fort du spectacle.
Nous propulsant dans un univers complètement différent, Normand Marcy a créé une pièce beaucoup plus théâtrale, parfois même macabre et tordue. Se dévoilant à un rythme plus lent, le public a eu droit à un personnage considérablement plus développé à l'aide d'accessoires et de quelques indices narratifs. La danseuse principale de l'oeuvre était bien sélectionnée pour rendre le propos; Émilie Gratton nous laissa naturellement un sentiment de légèreté tout au long du spectacle mais plus particulièrement lorsque ce sentiment fut accentué par les choix et les positions pseudo-comiques de Normand Marcy. L'interprète ne semblait certainement pas avoir peur du ridicule, ou du moins, de l'embarras.
Un autre moment puissant du spectacle a été créé par Louis-Martin Charest, mettant cette fois-ci en vedette Marie-Gabrielle Ménard, l'artiste qui a fondé et qui dirige Mandala Sitù: «une compagnie de création et de production dédiée à l'interprétation de la danse contemporaine née de l'urgence de danser de sa directrice artistique». Une description de compagnie courageusement transparente, sans prétendre quoique se soit d'autre que je veux danser et je vais danser, droit au but, point. Cette attitude fonceuse est louable et inspirante, tout comme sa performance du solo. Encore une fois, c’est un personnage à plusieurs couches et dimensions que nous avons reçu. Marie-Gabrielle est dotée d'une interprétation et d'un charisme hors-pair qui l'a rend très intéressante à observer. Débutant la pièce telle une Cruella détestable, nous avons peu à peu vu cette femme fatale perdre tout ses moyens et devenir une victime sans recours. La musique mystérieuse nous transporta dans un monde tout simplement magique. Sans trop savoir qui elle était ou quelle était son histoire, elle nous fit ressentir de l'empathie et un attachement indéniable pour son sort. Un vrai bijou.
Finalement, Karina Iraola dansa dans la création de David Rancourt. Ce qui était le plus frappant de cette oeuvre était évidemment son côté bizarre et ludique. Débutant par l'utilisation de la respiration pour tapisser l'univers sonore et l'élan des mouvements, nous avons graduellement été guidés vers une chorale cacophonique assez spéciale… cette symphonie était drôle, puissante et d'une certaine façon plutôt mobilisatrice. Ça semblait en fait bien résumer l'énergie de cette initiative pionnière. C'est-à-dire: «On va faire du bruit. On va nous entendre. Ça va peut-être être drôle ou incompris mais on va continuer d'avancer avec notre fanfare».
Si Mandala Sitù maintient son élan, j'ai l'impression que cette compagnie prendra beaucoup d'envergure dans les années à venir. Pour l'instant, est-ce un spectacle qui vaut la peine d’être vu? Certainement. Pour plus de détails sur Bijoux, visitez le site web de l'Agora de la danse. http://www.agoradanse.com/fr/spectacles/2012/bijoux
Extraits de Bijoux de Mandala Sitù.
Finalement, Karina Iraola dansa dans la création de David Rancourt. Ce qui était le plus frappant de cette oeuvre était évidemment son côté bizarre et ludique. Débutant par l'utilisation de la respiration pour tapisser l'univers sonore et l'élan des mouvements, nous avons graduellement été guidés vers une chorale cacophonique assez spéciale… cette symphonie était drôle, puissante et d'une certaine façon plutôt mobilisatrice. Ça semblait en fait bien résumer l'énergie de cette initiative pionnière. C'est-à-dire: «On va faire du bruit. On va nous entendre. Ça va peut-être être drôle ou incompris mais on va continuer d'avancer avec notre fanfare».
Si Mandala Sitù maintient son élan, j'ai l'impression que cette compagnie prendra beaucoup d'envergure dans les années à venir. Pour l'instant, est-ce un spectacle qui vaut la peine d’être vu? Certainement. Pour plus de détails sur Bijoux, visitez le site web de l'Agora de la danse. http://www.agoradanse.com/fr/spectacles/2012/bijoux
Extraits de Bijoux de Mandala Sitù.