Un arc-en-ciel de créativité à l'Agora de la danse
26 janvier 2013
Critique du spectacle Bleu-Vert-Rouge de Marie Béland présenté par l'Agora de la danse.
- Oliver Koomsatira
Crédit Martin Flamand - Interprètes : Simon-Xavier Lefebvre, Marilyne St-Sauveur et Ashlea Watkin
Bleu-Vert-Rouge. Que dire? Créée par Marie Béland, en collaboration avec les interprètes Simon-Xavier Lefebvre, Marilyne St-Sauveur et Ashlea Watkin, la plus récente oeuvre de la compagnie Maribé - Sors de ce corps est certainement l'un des voyages les plus déroutant que vous risquez d'entamer à Montréal. Présenté par l'Agora de la danse, le spectacle se place à la croisée des disciplines mêlant la danse, le théâtre, le vidéo, l'expérimentation sonore et visuelles, le théâtre d'objet, le jeu clownesque, l'humour, le théâtre absurde… Bref, bien des ingrédients qui font tout un cocktail pas mal éclaté ! Un… Sour Puss, peut-être… ou un Juicy Pussy, dis-je? Rien qu'un petit « inside » pour ceux qui ont eu la chance de voir le spectacle.
Je peux dire bien honnêtement que c'est probablement le spectacle le plus drôle que j'ai vu en danse contemporaine, depuis très très… très longtemps. C'est ce genre de pièce qu'un spectateur espère voir à chaque sortie de danse. Pas nécessairement du point de vue du style ou du propos, mais plutôt du point de vue résultat final; c'est-à-dire, dans notre réponse émotive en tant qu'humain. Pourquoi? Tout simplement parce que c'est un spectacle très divertissant, surprenant, ingénieux et oui, drôle ! Ça y est, blasphème, j'ai dit humour et danse dans le même paragraphe ! D'accord, la danse n'a pas nécessairement le mandat de faire rire comme du « stand-up » mais n'empêche que ça fait du bien que des chorégraphes tentent la voie humoristique de temps en temps. C'est très agréable de passer une soirée en riant. Merci !
Coup de coeur définitif pour la conception et la régie vidéo de monsieur L E M M. Oui, il a un nom bizarre le monsieur mais c'est correct parce que c'est un petit génie ! Il serait impossible d'imaginer Bleu-Vert-Rouge sans sa contribution. Impossible. Les effets étant présents pendant la majorité de l'oeuvre, je peux qualifier le résultat de véritable tour-de-force. C'est compliqué à expliquer étant donné que c'est visuel, mais imaginez voir la même scène captée dans différents angles et superposés les uns par-dessus les autres simultanément. Maintenant imaginez voir des séquences chorégraphiques qui viennent tout juste d'être captées et qui se reculent et s'avancent à la vitesse de l’éclair pendant qu'une version en temps réel joue en même temps sur le même écran géant. Vous comprenez le « brain fart » qui est en train de se produire? Eh bien, il y a eu de ça pendant plusieurs moments et c'était tout simplement fou. Bravo. Je te lève mon chapeau sous différents angles simultanément et à différentes vitesses, L E M M. Wowzer !
Évidemment, si on m'offre de l'humour absurde, eh bien, on me gagne presque d'avance, faut juste pas que ça soit plate. Je peux dire sincèrement que ce n'était pas plate du tout, c'était même parfois trop drôle. Du genre : « Ah non, il faut que je revienne parce que pendant que je riais j'ai manqué l'autre punch »… Le côté divertissement n'a rien enlevé au côté ingéniosité, par contre. C'est comme si l'humour reposait sur son raffinement, même si celui-ci était parfois cru, brute ou qu'il te faisait dire « Ostie que c'est cave ! » pendant que tu te retenais pour ne pas faire pipi sur le siège. Il y a plein de moments hilarants mais en voici un qui m'a particulièrement marqué. Simon-Xavier Lefebvre entre en scène, crie « Ding Dong » dans sa voix de tête aérée. Pause. Plusieurs regards et répliques innocents sont échangés entre Marilyne St-Sauveur et Ashlea Watkin du genre : « There's someone at the door ». Ensuite, Simon lâche un « Someone ordered a massage » et s'avance en robot vers Ashlea pendant que le son de sa voix et de ses pieds se font amplifier en temps réel par le concepteur et manipulateur sonore Steve Lalonde. Je sais, je sais, ça ne sonne pas drôle mais ce l'était ! J'imagine qui fallait y être.
Outre le fait que le spectacle soit bon, je crois que ce genre de recherche, brouillant les frontières entre plusieurs formes avec succès, est d'une importance monumentale pour la communauté montréalaise en ce qui a trait à l'avancement de l'art canadien à l'international. Un jour, ce sera du déjà vu mais pour l'instant, le style de Bleu-Vert-Rouge est rafraîchissant, riche et rassurant pour notre industrie. À l'aide de grandes découvertes comme celle-ci, ça nous confirme que la relève a bel et bien une place à prendre dans le portrait et a peut-être même un avantage sur les compagnies établies qui sont parfois victimes de leurs signatures. En tout cas, si vous n'avez pas la chance de voir Bleu-Vert-Rouge à l'Agora, je crois certainement que l'oeuvre se reverra quelque part d'autre dans un futur proche. Du moins ça serait très triste qu'elle ne le soit pas. Pour plus de détails sur le spectacle, visitez le site web de l'Agora de la danse.
http://www.agoradanse.com/fr/spectacles/2013/bleu-vert-rouge
Prochainement à l'Agora de la danse, Pleasure Dome de l'Aune / Karine Denault du 6 au 9 février. http://www.agoradanse.com/fr/spectacles/2013/pleasure-dome