Mélanie Demers ouvre la saison de l'Agora de la danse
13 février 2017
Article à propos du spectacle Animal triste de Mélanie Demers, présenté à l'Agora de la danse.
- Oliver Koomsatira
L’Agora de la danse présentera la plus récente création de Mélanie Demers, Animal triste, du 22 au 25 février pour inaugurer leur nouvelle salle au Wilder. Fidèle à sa démarche artistique, la chorégraphe traite de la condition humaine avec un discours engagé et conscientisé. Cette fois-ci, elle a fait appel à deux nouveaux collaborateurs pour interpréter son oeuvre. On parle ici de Francis Durcharme et Riley Sims. Les danseurs chevronnés Marc Boivin et Chi Long font également partie de la distribution. Mélanie Demers nous partage un peu d’information sur son dernier spectacle.
En premier lieu, qu’est-ce qui a inspiré la créatrice? « Le déclic s’est fait en lisant le livre Sapiens, a Brief History of Humankind de Yuval Noah Harari. Je trouvais ce panorama de l’histoire de l’humanité si vertigineux que j’ai eu envie de m’attaquer à cette matière et de traduire cette fulgurante ascension du primate vers l’homme dit civilisé à travers les corps des quatre protagonistes. Avec Animal Triste, j’ai tenté d’écrire et de décrire la marche implacable de l’Homme vers l’avant, son désir de s’élancer, son besoin d’avancer et la nécessité d’obéir à ce chemin. J’ai voulu puiser à même la grande Histoire pour mettre en reliefs nos petites histoires. De l’évolution des espèces vers la décadence des civilisations, nous avançons. »
Pour ce qui est du processus de création, elle nous explique comment celui-ci a été particulièrement unique, maintenant qu’elle est nouvellement maman : « Chaque processus est différent. Il n’y a pas de façon de faire. C’est un lieu commun de dire ça. Mais c’est vrai. D’où l’attrait et la complexité de se plonger chaque fois dans un nouveau projet. Ceci dit, j’ai créé Animal Triste en étant nouvelle maman. Et ça a mis en perspective le thème même de la pièce et la façon que j’ai de regarder l’œuvre se déployer. J’ai dit souvent qu’il fallait être cinglé des deux côtés du cerveau ou maladivement optimiste pour vouloir faire des enfants en ce monde. La vie qui se vit ici est de plus en plus robotisée, radicalisée, dogmatisée et bigbrotherisée. Il y a si peu d’espace pour revendiquer un peu de liberté. Cependant, le postulat qui veut que l’art vivant agisse encore comme rempart avant de perdre nos dernières parcelles d’humanité a guidé mon désir de créer. »
Avec cette pièce, la chorégraphe a délaissé une manière de créer pour privilégier une nouvelle approche : « Le rapport entre l’écriture chorégraphique et l’improvisation est crucial dans cette œuvre. Et l’écoute dont ils doivent faire preuve est d’une virtuosité qui peut parfois nous échapper. L’engagement des performeurs doit être total pour que la pièce se révèle à nous. Il y a une exigence de composition spontanée, il y a un travail d’état et une maîtrise du temps que je n’avais pas vraiment expérimenté avant. J’ai abandonné une grande partie de mes leviers habituels pour faire confiance à la simple éloquence du corps. La contextualisation et la théâtralisation prennent beaucoup moins de place et c’est une posture plus exigeante tant pour le spectateur que pour votre, toute dévouée, auteure. »
Choisissant soigneusement ses interprètes pour relever ce défi de taille, elle nous partage comment chacun(e) d’entre eux la fait vibrer. Pour Marc Boivin, elle le décrit entre autres ainsi : « Il a une sensibilité à fleur de peau. Comme s’il portait son épiderme à l’envers. Attaquable par la moindre bactérie. Mais prêt à vaincre n’importe quel assaut aussi. Il a une intelligence qui se déploie dans toutes les directions. Comme une toile d’araignée qu’il tisse et où il se piège parfois lui-même tant sa pensée est fil de fer, tentaculaire, extraordinaire. Il a le don du mouvement. Ça, tout le monde le sait. Mais c’est le don de lui qu’il use le plus souvent. Entier, il est tout à prendre. » Francis Ducharme :
« Pour ne pas m’épancher, je dis de lui : Il est fou. Mais au fond, je pense : Il est génial. Mais le mot est galvaudé. Gâché par les superlatifs qui noient toujours tout. En vrai, il est prodigue et prodige à la fois. C’est rare. Ils sont peu de sa trempe. Devant ces gens-là, c’est facile d’être si ébloui qu’on en oublie la vraie flamme. On ne voit plus que l’éclat. Ce serait dommage, il y a tant à voir dans le bleu de son feu. »
Elle continue avec Chi Long : « Elle vit du côté des mystères. C’est pour ça qu’il faut la deviner. Ses secrets sont offerts comme de graves confessions. Étrangement, tout d’elle paraît un procédé de dissimulation. Depuis toutes ces années, il y a quelque chose en elle que je n’ai pas encore découvert. Elle est terre sauvage. Territoire encore à prendre. Elle a ce don-là. Nourrir le désir. On ne se lasse pas. Comme si le fauve en elle ne se domestiquait jamais. » Finalement, Riley Sims : « Il y a une fureur qui se dégage de sa danse. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai compris tout de suite toute la colère qui le meut. Pourtant, elle est emballée, bien propre dans un petit écrin. Ça paraît inoffensif. Mais c’est corrosif ce genre de rage-là. Ce n’est vivable que lorsqu’on a le talent qu’il a pour la transformer en machine à créer. Sinon, ça bouffe de l’intérieur et c’en est fait. Mais avec lui, ça devient beau. Ça transcende tout. » Quel honneur pour ces interprètes de voir leur talent souligné d’une telle façon. Une belle touche de sensibilité et de respect dans un milieu où les danseurs sont très peu mentionnés.
Mère ou pas, n’étant pas une personne qui paresse, elle nous fait part de tous les projets qui l’attendent suite à son passage à l’Agora de la danse : « À la suite d’Animal Triste, je m’envolerai vers la Suède pour passer trois mois à bosser sur une commande chorégraphique pour le Skanes Dansteater à Malmö. C’est une œuvre co-créée avec Laïla Diallo et nous sommes entourées d’une équipe internationale pour la création de Something About Wilderness dont la première aura lieu le 26 mai 2017. La pièce témoigne du passage du temps, de la déchéance des corps et peut-être même de la décadence des civilisations et s’articule comme une méditation en 24 temps sur la domestication des êtres et des choses, sur les sauvageries qu’on étouffe et sur les élans de vie qu’on oublie. » Par la suite, le public montréalais aura le plaisir de la retrouver sur scène avant qu’elle ne reparte pour l’Europe : « Ensuite, de retour à Montréal, nous nous attaquerons à la tournée du solo Icône Pop. Je renoue avec la scène dans ce solo où se côtoient le divin et le prêt-à-jeter. Icône Pop est une rencontre ludique entre les iconographies religieuse et pop, le sacré et le profane, la glorification d’une sainte et la glorification du soi. Y sont conviées les auras de la Vierge Marie et de Beyoncé dans un striptease tout en pudeur. Et cet été nous serons en Italie pour deux spectacles au festival B-Motion, à Bassano del Grappa. »
Pour plus d’information sur le spectacle, veuillez visiter le site web de l’Agora de la danse : http://agoradanse.com/evenement/animal-triste/
En premier lieu, qu’est-ce qui a inspiré la créatrice? « Le déclic s’est fait en lisant le livre Sapiens, a Brief History of Humankind de Yuval Noah Harari. Je trouvais ce panorama de l’histoire de l’humanité si vertigineux que j’ai eu envie de m’attaquer à cette matière et de traduire cette fulgurante ascension du primate vers l’homme dit civilisé à travers les corps des quatre protagonistes. Avec Animal Triste, j’ai tenté d’écrire et de décrire la marche implacable de l’Homme vers l’avant, son désir de s’élancer, son besoin d’avancer et la nécessité d’obéir à ce chemin. J’ai voulu puiser à même la grande Histoire pour mettre en reliefs nos petites histoires. De l’évolution des espèces vers la décadence des civilisations, nous avançons. »
Pour ce qui est du processus de création, elle nous explique comment celui-ci a été particulièrement unique, maintenant qu’elle est nouvellement maman : « Chaque processus est différent. Il n’y a pas de façon de faire. C’est un lieu commun de dire ça. Mais c’est vrai. D’où l’attrait et la complexité de se plonger chaque fois dans un nouveau projet. Ceci dit, j’ai créé Animal Triste en étant nouvelle maman. Et ça a mis en perspective le thème même de la pièce et la façon que j’ai de regarder l’œuvre se déployer. J’ai dit souvent qu’il fallait être cinglé des deux côtés du cerveau ou maladivement optimiste pour vouloir faire des enfants en ce monde. La vie qui se vit ici est de plus en plus robotisée, radicalisée, dogmatisée et bigbrotherisée. Il y a si peu d’espace pour revendiquer un peu de liberté. Cependant, le postulat qui veut que l’art vivant agisse encore comme rempart avant de perdre nos dernières parcelles d’humanité a guidé mon désir de créer. »
Avec cette pièce, la chorégraphe a délaissé une manière de créer pour privilégier une nouvelle approche : « Le rapport entre l’écriture chorégraphique et l’improvisation est crucial dans cette œuvre. Et l’écoute dont ils doivent faire preuve est d’une virtuosité qui peut parfois nous échapper. L’engagement des performeurs doit être total pour que la pièce se révèle à nous. Il y a une exigence de composition spontanée, il y a un travail d’état et une maîtrise du temps que je n’avais pas vraiment expérimenté avant. J’ai abandonné une grande partie de mes leviers habituels pour faire confiance à la simple éloquence du corps. La contextualisation et la théâtralisation prennent beaucoup moins de place et c’est une posture plus exigeante tant pour le spectateur que pour votre, toute dévouée, auteure. »
Choisissant soigneusement ses interprètes pour relever ce défi de taille, elle nous partage comment chacun(e) d’entre eux la fait vibrer. Pour Marc Boivin, elle le décrit entre autres ainsi : « Il a une sensibilité à fleur de peau. Comme s’il portait son épiderme à l’envers. Attaquable par la moindre bactérie. Mais prêt à vaincre n’importe quel assaut aussi. Il a une intelligence qui se déploie dans toutes les directions. Comme une toile d’araignée qu’il tisse et où il se piège parfois lui-même tant sa pensée est fil de fer, tentaculaire, extraordinaire. Il a le don du mouvement. Ça, tout le monde le sait. Mais c’est le don de lui qu’il use le plus souvent. Entier, il est tout à prendre. » Francis Ducharme :
« Pour ne pas m’épancher, je dis de lui : Il est fou. Mais au fond, je pense : Il est génial. Mais le mot est galvaudé. Gâché par les superlatifs qui noient toujours tout. En vrai, il est prodigue et prodige à la fois. C’est rare. Ils sont peu de sa trempe. Devant ces gens-là, c’est facile d’être si ébloui qu’on en oublie la vraie flamme. On ne voit plus que l’éclat. Ce serait dommage, il y a tant à voir dans le bleu de son feu. »
Elle continue avec Chi Long : « Elle vit du côté des mystères. C’est pour ça qu’il faut la deviner. Ses secrets sont offerts comme de graves confessions. Étrangement, tout d’elle paraît un procédé de dissimulation. Depuis toutes ces années, il y a quelque chose en elle que je n’ai pas encore découvert. Elle est terre sauvage. Territoire encore à prendre. Elle a ce don-là. Nourrir le désir. On ne se lasse pas. Comme si le fauve en elle ne se domestiquait jamais. » Finalement, Riley Sims : « Il y a une fureur qui se dégage de sa danse. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai compris tout de suite toute la colère qui le meut. Pourtant, elle est emballée, bien propre dans un petit écrin. Ça paraît inoffensif. Mais c’est corrosif ce genre de rage-là. Ce n’est vivable que lorsqu’on a le talent qu’il a pour la transformer en machine à créer. Sinon, ça bouffe de l’intérieur et c’en est fait. Mais avec lui, ça devient beau. Ça transcende tout. » Quel honneur pour ces interprètes de voir leur talent souligné d’une telle façon. Une belle touche de sensibilité et de respect dans un milieu où les danseurs sont très peu mentionnés.
Mère ou pas, n’étant pas une personne qui paresse, elle nous fait part de tous les projets qui l’attendent suite à son passage à l’Agora de la danse : « À la suite d’Animal Triste, je m’envolerai vers la Suède pour passer trois mois à bosser sur une commande chorégraphique pour le Skanes Dansteater à Malmö. C’est une œuvre co-créée avec Laïla Diallo et nous sommes entourées d’une équipe internationale pour la création de Something About Wilderness dont la première aura lieu le 26 mai 2017. La pièce témoigne du passage du temps, de la déchéance des corps et peut-être même de la décadence des civilisations et s’articule comme une méditation en 24 temps sur la domestication des êtres et des choses, sur les sauvageries qu’on étouffe et sur les élans de vie qu’on oublie. » Par la suite, le public montréalais aura le plaisir de la retrouver sur scène avant qu’elle ne reparte pour l’Europe : « Ensuite, de retour à Montréal, nous nous attaquerons à la tournée du solo Icône Pop. Je renoue avec la scène dans ce solo où se côtoient le divin et le prêt-à-jeter. Icône Pop est une rencontre ludique entre les iconographies religieuse et pop, le sacré et le profane, la glorification d’une sainte et la glorification du soi. Y sont conviées les auras de la Vierge Marie et de Beyoncé dans un striptease tout en pudeur. Et cet été nous serons en Italie pour deux spectacles au festival B-Motion, à Bassano del Grappa. »
Pour plus d’information sur le spectacle, veuillez visiter le site web de l’Agora de la danse : http://agoradanse.com/evenement/animal-triste/