Tangente présente deux recherches chorégraphiques uniques
17 février 2012
Article du projet In Limbo avec Marie Claire Forté et Julie Favreau, sous la direction artistique de Lynda Gaudreau.
- Mandana Anahita (Bio)
Marie Claire Forté dans « Rooms » sous la direction artistique de Lynda Gaudreau. Photo tirée d'une captation vidéo d’Ivo Dimchev.
Dans le cadre de la troisième édition de In Limbo, Lynda Gaudreau et Tangente nous présentent deux chorégraphes vivement créatives : Marie-Claire Forté et Julie Gauvreau.
Vouloir mettre des mots sur une recherche chorégraphique est toujours assez risqué. Mais pour bien rendre le travail de ces deux créatrices, je me prête au jeu moi aussi car c’est le risque de l’inesthétisme et du travail brut qui nous met le mieux en rapport avec notre intelligence corporelle, soit le sens kinesthésique.
Dans ma jeune expérience en danse, j’ai observé à quel point l’expression des mains et du visage était peu recherchée en danse contemporaine comparativement à la danse indienne par exemple. Et voici que je retrouve comme variable commune dans ce laboratoire chorégraphique une recherche exclusive sur les extrémités du corps, principalement la main et tout ce qu’elle peut raconter telle l’expression d’un minimalisme dansé.
Comment trouver la nuance entre l’observateur et l’observé, le danseur et le dansé, l’animant et l’animé? Oui c’est vrai, on se sent dans un laboratoire au son lancinant d’un souffle d’incubateur. Rien n’aurait pu mieux aider à évoquer cet espace kinesthésique que le corps incarne majestueusement dans une impasse sonore volatile à peine perceptible. Telle que le nomme Marie-Claire Forté, c’est « une danse qui amplifie notre perception [...] celle du public et la mienne [...] du lieu et du moment.» Cet espace d’exploration contemporaine est loin de la création de la forme mécanique du mouvement. Nous sommes conviés à sortir de notre cadre confortable d’où nous attendons habituellement du danseur qu’il nous serve sur un plateau un jet de mouvement organique et esthétique. Non ici, nous sommes littéralement emportés dans un jeu entre le silence brut et le silence sonore (bruit de fond quotidiennement perceptible). Le son et l’espace s’emparent du danseur et l’utilise comme objet de création. Ce que j’apprends de Marie-Claire Forté lorsqu’elle interprète pendant près de trois minutes des vibrations acoustiques, c’est ce rapport noble qu’elle entretient avec son univers interne faisant émerger des impulsions physiques incommodants nous mettant en lien direct avec elle. Pour l’observateur, il n’y a plus d’espace à l’interprétation, nous sommes dans son espace et par son regard qu’elle incube en nous, elle est dans le notre.
Nous sommes dans une dimension déshumanisant l’humain et humanisant l’objet de la scène que cela soit par le son, l’espace, ou de vrais objets. C’est ainsi qu’en deuxième partie se projette le travail de Julie Favreau, artiste visuel, qui met en scène David Albert-Toth, collaborateur et interprète dans une thématique généreuse sur l’animisme. Ce travail, qui était initialement un projet de captation vidéographique et de performance d’installation immersive, est maintenant courageusement interprété sous forme scénique. L’environnement physique est composé d’un drap noir rectangulaire, d’une table à roulette sur laquelle est déposée de petites sculptures, puis d’un plastique et d’une bûche en bois.
Derrière un visage inanimé, David nous interpelle dans un phrasé chorégraphique, embaumé par un son cinétique presque synthétique, nous laissant peu d’espace à l’identification projective. Le drap noir danse, et lui n’est plus. En effet, lorsque l’objet devient le danseur et le danseur l’objet, l’auditoire ne peut plus s’identifier et se reconnaître dans l’expression du danseur. Que reste t-il alors à l’observateur, sinon que de se laisser absorber par le moment, ici et maintenant. Formidable paradigme pour nous plonger subtilement dans un rituel méditatif rappelant des scènes de la croix du Christ, des danses derviches, du gestuel de l’embaume d’encens d’église aux prières orthodoxes. Un beau momentum nous permettant d’apprécier les géométries figurantes sur scène. Nous sommes loin du Hip Hop, ancienne passion de l’interprète. La force de sa présence est sans nul doute ce qui nous aide à rencontrer son intimité méditative et à entrevoir l’âme des objets.
Tous les artistes impliqués dans ces deux projets de recherche chorégraphique sont parvenus avec brio à calmer notre ardeur à vouloir donner un sens et nous ont plutôt aidé à raffiner notre sixième sens; le sens kinesthésique. Merci à Lynda Gaudreau et Tangente de nous permettre de nous enrichir et de contacter ces espaces de création intime.
In Limbo est présenté au Monument National jusqu'au 19 février. Pour plus de détails, visitez le site web de Tangente.
http://www.tangente.qc.ca/index.php?option=com_content&view=article&id=41&lang=fr
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Vouloir mettre des mots sur une recherche chorégraphique est toujours assez risqué. Mais pour bien rendre le travail de ces deux créatrices, je me prête au jeu moi aussi car c’est le risque de l’inesthétisme et du travail brut qui nous met le mieux en rapport avec notre intelligence corporelle, soit le sens kinesthésique.
Dans ma jeune expérience en danse, j’ai observé à quel point l’expression des mains et du visage était peu recherchée en danse contemporaine comparativement à la danse indienne par exemple. Et voici que je retrouve comme variable commune dans ce laboratoire chorégraphique une recherche exclusive sur les extrémités du corps, principalement la main et tout ce qu’elle peut raconter telle l’expression d’un minimalisme dansé.
Comment trouver la nuance entre l’observateur et l’observé, le danseur et le dansé, l’animant et l’animé? Oui c’est vrai, on se sent dans un laboratoire au son lancinant d’un souffle d’incubateur. Rien n’aurait pu mieux aider à évoquer cet espace kinesthésique que le corps incarne majestueusement dans une impasse sonore volatile à peine perceptible. Telle que le nomme Marie-Claire Forté, c’est « une danse qui amplifie notre perception [...] celle du public et la mienne [...] du lieu et du moment.» Cet espace d’exploration contemporaine est loin de la création de la forme mécanique du mouvement. Nous sommes conviés à sortir de notre cadre confortable d’où nous attendons habituellement du danseur qu’il nous serve sur un plateau un jet de mouvement organique et esthétique. Non ici, nous sommes littéralement emportés dans un jeu entre le silence brut et le silence sonore (bruit de fond quotidiennement perceptible). Le son et l’espace s’emparent du danseur et l’utilise comme objet de création. Ce que j’apprends de Marie-Claire Forté lorsqu’elle interprète pendant près de trois minutes des vibrations acoustiques, c’est ce rapport noble qu’elle entretient avec son univers interne faisant émerger des impulsions physiques incommodants nous mettant en lien direct avec elle. Pour l’observateur, il n’y a plus d’espace à l’interprétation, nous sommes dans son espace et par son regard qu’elle incube en nous, elle est dans le notre.
Nous sommes dans une dimension déshumanisant l’humain et humanisant l’objet de la scène que cela soit par le son, l’espace, ou de vrais objets. C’est ainsi qu’en deuxième partie se projette le travail de Julie Favreau, artiste visuel, qui met en scène David Albert-Toth, collaborateur et interprète dans une thématique généreuse sur l’animisme. Ce travail, qui était initialement un projet de captation vidéographique et de performance d’installation immersive, est maintenant courageusement interprété sous forme scénique. L’environnement physique est composé d’un drap noir rectangulaire, d’une table à roulette sur laquelle est déposée de petites sculptures, puis d’un plastique et d’une bûche en bois.
Derrière un visage inanimé, David nous interpelle dans un phrasé chorégraphique, embaumé par un son cinétique presque synthétique, nous laissant peu d’espace à l’identification projective. Le drap noir danse, et lui n’est plus. En effet, lorsque l’objet devient le danseur et le danseur l’objet, l’auditoire ne peut plus s’identifier et se reconnaître dans l’expression du danseur. Que reste t-il alors à l’observateur, sinon que de se laisser absorber par le moment, ici et maintenant. Formidable paradigme pour nous plonger subtilement dans un rituel méditatif rappelant des scènes de la croix du Christ, des danses derviches, du gestuel de l’embaume d’encens d’église aux prières orthodoxes. Un beau momentum nous permettant d’apprécier les géométries figurantes sur scène. Nous sommes loin du Hip Hop, ancienne passion de l’interprète. La force de sa présence est sans nul doute ce qui nous aide à rencontrer son intimité méditative et à entrevoir l’âme des objets.
Tous les artistes impliqués dans ces deux projets de recherche chorégraphique sont parvenus avec brio à calmer notre ardeur à vouloir donner un sens et nous ont plutôt aidé à raffiner notre sixième sens; le sens kinesthésique. Merci à Lynda Gaudreau et Tangente de nous permettre de nous enrichir et de contacter ces espaces de création intime.
In Limbo est présenté au Monument National jusqu'au 19 février. Pour plus de détails, visitez le site web de Tangente.
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