La jeune relève relève trois défis.
22 décembre 2012
Critique du spectacle Cru d'automne de l'École de danse contemporaine de Montréal.
- Oliver Koomsatira

Trois peaux de Jean-Sébastien Lourdais. EDCM
Comment une jeune personne décide-t-elle de faire carrière en danse? Probablement que les raisons sont aussi multiples que le nombre d'aspirants danseurs. Une chose est sûre, la passion et le rêve en sont pour beaucoup. En lisant la biographie de plusieurs professionnels, on remarque que pour la plupart, ça a commencé par des classes de ballet ou de jazz à un très jeune âge. Plus tard, si la fièvre de la danse continua de faire chauffer le coeur de la personne en question, elle tentera le tout pour le tout et fera les auditions pour entrer dans une école de danse professionnelle. Il y en a plusieurs à Montréal et l'une d'entre elle est l'École de danse contemporaine de Montréal (EDCM). Dirigée par Lucie Boissinot, l'EDCM a pour mandat de former et préparer les jeunes talents au meilleur de leurs capacités afin que ceux-ci soient prêts à affronter le milieu de la danse contemporaine et réussir. Après des heures et des heures de classes techniques, d'interprétation et de création, les élèves culminent leurs sessions avec des spectacles publics. Pour les troisième années, cette expérience de scène s'intitule Cru d'automne. Cette année, les étudiants ont eu l'opportunité de travailler avec la compagnie Montréal Danse pour apprendre deux pièces de répertoire, soit Trois peaux de Jean-Sébastien Lourdais et Husk de George Stamos en plus de la création Il y avait ce fou… de Julien Desplantez.
Ah, la danse contemporaine, impossible à définir, si différente d'un chorégraphe à l'autre… Comment préparer cette jeune relève quand il y a tant de styles? Il faut prendre des risques. Certainement, ces jeunes gens prennent des risques massifs en se lançant dans ce domaine très précaire et c'est probablement leurs parents qui le leur rappellent encore et encore. « Pourquoi pas médecin? » demande papa. « Tu ne préfèrerais pas être avocate? » suggère maman. Comment convaincre ses parents? Eh bien, invite-les à voir le fruit de tes efforts depuis les deux dernières années et demie ! Uh oh… pour les parents pas encore initiés à ce monde farfelu qu'est la danse contemporaine, ce ne sera sûrement pas la pièce Trois peaux de Jean-Sébastien Lourdais qui risque de les rassurer. Dans cette oeuvre, on pousse les élèves à relever un défi monstre pour lequel aucune technique spécifique ne puisse les préparer. C'est le genre de pièce qui vient travailler plusieurs aspects d'un interprète; sa présence scénique, son endurance physique, sa capacité d'investissement complet, ses atouts d'interprétation, ses aptitudes à mener un combat mortel pour maintenir l'attention d'un grand public tout au long de l'expérimentation chorégraphique. Les étudiants ont bien transmis l'énergie primate aux lèvres pulpeuses en forme de U, la démarche bedonnante plutôt étrange, les secousses incontrôlables qui possèdent leurs corps ainsi que ce qui pourrait ressembler à de la copulation désintéressée. En dansant dans Trois peaux, t'as plus peur de l'étrange, ça c'est certain.
En deuxième partie, quatre étudiants se sont partagés la pièce Husk de George Stamos. Ce qui n'est pas une mince tâche. Là aussi, Montréal Danse ainsi que l'EDCM a su prendre un risque en l'apprenant à ces élèves. Un bon risque. Pourquoi? En premier lieu, le budget de la danse étant ce qu'il est; quelques miettes et plusieurs poussières, une compagnie a très rarement l'argent pour engager plus que quatre à cinq danseurs et leur offrir des conditions de travail qui leur permettent de vivre au-dessus du seuil de la pauvreté. Donc, il faut que tu sois pas mal talentueux et charismatique en tant qu'interprète car tu ne peux pas t'effacer derrière 18 autres danseurs sur scène. Il faut que tu défendes la scène du début à la fin sans excuses. Donnant l'opportunité à ces trois danseuses et un danseur de s'attaquer cette pièce, ils ont pu tester leur capacité de jeu théâtral, leur « timing » comique, leur compréhension et capacité à projeter l'humour absurde, sans oublier le défi technique et physique que le chorégraphe leur a réservé. Les heureux élus Alexandre Morin, Laura Pinsonneault-Craig, Maude Provost et Gabrielle Simard ont bien relevé le défi.
Ah, la danse contemporaine, impossible à définir, si différente d'un chorégraphe à l'autre… Comment préparer cette jeune relève quand il y a tant de styles? Il faut prendre des risques. Certainement, ces jeunes gens prennent des risques massifs en se lançant dans ce domaine très précaire et c'est probablement leurs parents qui le leur rappellent encore et encore. « Pourquoi pas médecin? » demande papa. « Tu ne préfèrerais pas être avocate? » suggère maman. Comment convaincre ses parents? Eh bien, invite-les à voir le fruit de tes efforts depuis les deux dernières années et demie ! Uh oh… pour les parents pas encore initiés à ce monde farfelu qu'est la danse contemporaine, ce ne sera sûrement pas la pièce Trois peaux de Jean-Sébastien Lourdais qui risque de les rassurer. Dans cette oeuvre, on pousse les élèves à relever un défi monstre pour lequel aucune technique spécifique ne puisse les préparer. C'est le genre de pièce qui vient travailler plusieurs aspects d'un interprète; sa présence scénique, son endurance physique, sa capacité d'investissement complet, ses atouts d'interprétation, ses aptitudes à mener un combat mortel pour maintenir l'attention d'un grand public tout au long de l'expérimentation chorégraphique. Les étudiants ont bien transmis l'énergie primate aux lèvres pulpeuses en forme de U, la démarche bedonnante plutôt étrange, les secousses incontrôlables qui possèdent leurs corps ainsi que ce qui pourrait ressembler à de la copulation désintéressée. En dansant dans Trois peaux, t'as plus peur de l'étrange, ça c'est certain.
En deuxième partie, quatre étudiants se sont partagés la pièce Husk de George Stamos. Ce qui n'est pas une mince tâche. Là aussi, Montréal Danse ainsi que l'EDCM a su prendre un risque en l'apprenant à ces élèves. Un bon risque. Pourquoi? En premier lieu, le budget de la danse étant ce qu'il est; quelques miettes et plusieurs poussières, une compagnie a très rarement l'argent pour engager plus que quatre à cinq danseurs et leur offrir des conditions de travail qui leur permettent de vivre au-dessus du seuil de la pauvreté. Donc, il faut que tu sois pas mal talentueux et charismatique en tant qu'interprète car tu ne peux pas t'effacer derrière 18 autres danseurs sur scène. Il faut que tu défendes la scène du début à la fin sans excuses. Donnant l'opportunité à ces trois danseuses et un danseur de s'attaquer cette pièce, ils ont pu tester leur capacité de jeu théâtral, leur « timing » comique, leur compréhension et capacité à projeter l'humour absurde, sans oublier le défi technique et physique que le chorégraphe leur a réservé. Les heureux élus Alexandre Morin, Laura Pinsonneault-Craig, Maude Provost et Gabrielle Simard ont bien relevé le défi.
Après l'entracte - oui je sais ça fait beaucoup de danse pour une soirée mais dîtes-vous que vous en avez pour votre argent - la cohorte au complet est revenu pour s'attaquer à Il y avait ce fou… de Julien Desplantez. À vrai dire, la cohorte au complet sauf un blessé de guerre. Malheureux pour le blessé de manquer sa chance sur scène, mais c'est en quelque sorte une bonne leçon à apprendre sur le métier. Le fait est que la danse comporte bien des risques et les bobos en sont un majeur. Par exemple, dans l'Étude sur la situation des interprètes en danse du Regroupement Québécois de la danse (2002), il est rapporté que les blessures comptaient pour 22.3% des raisons pour laquelle un danseur fût forcé d'arrêter le travail. C'est malheureux mais c'est la réalité. Quand tu vas en guerre en Afghanistan, tu sais que tu reviendras peut-être pas en un morceau, quand tu danses comme un fou, tu sais que tu risques peut-être de te blesser. Quels héros, ils se sacrifient pour leur art ! En compagnie du chorégraphe Julien Desplantez, la classe eu l'opportunité de se donner à 100% à travers plusieurs séquences très physiques en mettant au défi leur écoute, leur vision périphérique, leur coordination, leur capacité de travailler avec des partenaires et j'en passe. On voyait dans leurs yeux qu'ils savaient pourquoi ils dansaient. Ils ont très bien transmis le message du chorégraphe à travers leur corps et leur énergie. Plusieurs images nous restent en tête en sortant du théâtre; la tempête chorégraphique qui nous donnait l'option de choisir où on voulait regarder sans être lassé, le bondissement folkloro-contemporain à la Hofesh Shechter qui attirait notre regard vers ce rythme répétitif et entraînant de micro-communauté, ainsi que ces duos fous qui pétillaient un peu partout sur scène comme du popcorn. On a vu ici comment ces jeunes artistes se débrouillent avec de la danse très physique.
Avec une telle soirée, on a vu la belle polyvalence de cette relève artistique qui sera bientôt sur le marché du travail. Il y a beaucoup de talent à Montréal mais est-ce que l'industrie sera prête à les accueillir? D'après la même étude du Regroupement Québécois de la danse, nous avons du pain sur la planche avant qu'ils graduent. Pas pour prendre le côté de papa et maman mais disons qu'avec les revenus moyens en danse, on est pas ben ben gentil avec notre relève : « En 2000, la moitié des interprètes ont déclaré des revenus totaux en deçà de 15 000 $. Seulement 6 % des interprètes interrogés ont des revenus supérieurs à 24 999 $. En ce qui a trait aux revenus annuels provenant de leurs activités professionnelles en danse, ils sont en deçà de 15 000 $ pour près de 63 % des interprètes. » Comment ça se fait? D'après les interprètes questionnés, principaux intéressés, l'étude rapporte les contraintes suivantes qui rendent la réussite particulièrement ardue et qui pourrait peut-être nous indiquer où se trouve le problème : « Le manque d’investissement financier public et privé dans le secteur de la danse et des arts de la scène, le manque de visibilité, de notoriété et de promotion, la danse est peu et mal connue, et plus ou moins accessible au grand public, la danse est souvent perçue comme hermétique, peu accessible, le manque de lieux de diffusion et de producteurs, le manque de diffusion et de visibilité sur le marché international, les conditions de travail difficiles, emplois précaires, peu d’accessibilité à des avantages sociaux, l’isolement, très peu de collaboration, de communication et de coopération et manque de solidarité. »
Voilà, maintenant qu'on sait à quoi s'attaquer, on a six mois pour préparer le terrain ! J'ai une idée ! Pourquoi ne pas rediriger les millions de dollars qui sont supposés aller à la mafia vers la danse contemporaine? C'est un investissement plus artistique pis personne se fait liquider pour rien. J'envois la demande au maire de Montréal tout-de-suite. Pour avoir plus d'information sur l'EDCM et le spectacle Cru d'automne, visitez le site web. http://www.edcmtl.com/fr/19-au-22-decembre-spectacle-des-etudiants-de-3e-annee
Cru d'Automne fut dansé par Simon Beauregard, Emilie Cardu-Beauquier, Margaux Chênevert-Beaupré, Jessica Côté, Mathilde Gesseaume-Rioux, Marta Gunin, Alexandre Morin, Laura Pinsonneault-Craig, Vincent-Nicolas Provencher (en création), Maude Provost, Gabrielle Simard, Yonah Bettina Szabo, Béatrice Trudel.
Avec une telle soirée, on a vu la belle polyvalence de cette relève artistique qui sera bientôt sur le marché du travail. Il y a beaucoup de talent à Montréal mais est-ce que l'industrie sera prête à les accueillir? D'après la même étude du Regroupement Québécois de la danse, nous avons du pain sur la planche avant qu'ils graduent. Pas pour prendre le côté de papa et maman mais disons qu'avec les revenus moyens en danse, on est pas ben ben gentil avec notre relève : « En 2000, la moitié des interprètes ont déclaré des revenus totaux en deçà de 15 000 $. Seulement 6 % des interprètes interrogés ont des revenus supérieurs à 24 999 $. En ce qui a trait aux revenus annuels provenant de leurs activités professionnelles en danse, ils sont en deçà de 15 000 $ pour près de 63 % des interprètes. » Comment ça se fait? D'après les interprètes questionnés, principaux intéressés, l'étude rapporte les contraintes suivantes qui rendent la réussite particulièrement ardue et qui pourrait peut-être nous indiquer où se trouve le problème : « Le manque d’investissement financier public et privé dans le secteur de la danse et des arts de la scène, le manque de visibilité, de notoriété et de promotion, la danse est peu et mal connue, et plus ou moins accessible au grand public, la danse est souvent perçue comme hermétique, peu accessible, le manque de lieux de diffusion et de producteurs, le manque de diffusion et de visibilité sur le marché international, les conditions de travail difficiles, emplois précaires, peu d’accessibilité à des avantages sociaux, l’isolement, très peu de collaboration, de communication et de coopération et manque de solidarité. »
Voilà, maintenant qu'on sait à quoi s'attaquer, on a six mois pour préparer le terrain ! J'ai une idée ! Pourquoi ne pas rediriger les millions de dollars qui sont supposés aller à la mafia vers la danse contemporaine? C'est un investissement plus artistique pis personne se fait liquider pour rien. J'envois la demande au maire de Montréal tout-de-suite. Pour avoir plus d'information sur l'EDCM et le spectacle Cru d'automne, visitez le site web. http://www.edcmtl.com/fr/19-au-22-decembre-spectacle-des-etudiants-de-3e-annee
Cru d'Automne fut dansé par Simon Beauregard, Emilie Cardu-Beauquier, Margaux Chênevert-Beaupré, Jessica Côté, Mathilde Gesseaume-Rioux, Marta Gunin, Alexandre Morin, Laura Pinsonneault-Craig, Vincent-Nicolas Provencher (en création), Maude Provost, Gabrielle Simard, Yonah Bettina Szabo, Béatrice Trudel.