Trois paysages autour d'un élément
11 février 2013
Article du spectacle Trois paysages de la compagnie Danse K par K présenté par l'Agora de la danse et Tangente.
- Oliver Koomsatira

Trois paysages - © David Cannon
L’air, indispensable et omniprésent dans nos vies mais pourtant invisible. C’est cet élément qui est à l’origine de la chorégraphie Trois paysages, de la compagnie Danse K par K. De passage à Montréal pour présenter cette troisième création à l’Agora de la danse, la chorégraphe Karine Ledoyen nous a partagé un peu plus en profondeur ce que représentait l’air comme source d’inspiration pour elle : « Qu’est-ce que l’air pour moi ? C’est le vide, l’absence, le silence, les choses qui n’existent pas, il n’y a pas de contrôle sur l’air et l’air se partage. C’est également le souffle, si on pense à notre premier et dernier souffle, entre les deux il y a la vie, le mouvement et le temps qui passe avec nos rêves, nos souvenirs... C’est dans ces déclinaisons de l’air que le sens profond de la pièce a pris forme. »
Partant donc de « l’air vu comme une matière que l’on souhaite rendre visible, tangible et sonore », la chorégraphe établie à Québec ajoute qu’elle a voulu intégrer la question de l’absence au coeur même de la création, en créant la pièce pour cinq interprètes tout en ayant concrètement seulememt quatre danseurs en studio. Son cinquième interprète, « l’absent » ou « mon courant d’air » comme elle dit aimer l’appeler, ne sera présent que lors des représentations. Intriguant, non? Selon ce qu’on peut lire sur le site de Tangente, Trois paysages est développée en trois tableaux, pour quatre danseurs et un musicien. Serait-ce lui le courant d’air musical ? Un seul moyen de le savoir…
Côté sonore, c’est Patrick St-Denis qui assume la conception musicale et qui est par le fait même à l’origine d’un élément scénographique interactif primordial à la pièce. Il sagit d’un mur faisant office de scénographie mais ayant été pensé à prime abord comme un instrument de musique. La chorégraphe nous explique la particularité de ce mur :
« Derrière chaque feuille de papier se trouve un ventilateur qui est actionné par une kinect qui détecte le mouvement des danseurs sur scène. La composition de mouvement ou son accumulation (selon ce qui a été assigné) peut déclencher plusieurs éléments soit la lumière, le son ou le mur. Les interprètes sur scène sont donc responsables de plusieurs aspects du spectacle par la chorégraphie. » Elle ajoute que cet élément visuel et sonore a été une grande source d’inspiration pour la création et que sans la présence de ce mur, la danse pourrait difficilement exister. Cela démontre que la scénographie est un élément important pour Karine Ledoyen, un aspect qui « doit être partie prenante de la danse ».
Un autre élément important pour la créatrice est « d’offrir une expérience unique au spectateur. » Elle nous explique : « La position occupée par le public devant une œuvre en danse m’a toujours interpelée et questionnée. Comment puis-je lui donner accès à l’expérience de la danse ? Une expérience qui fait appel à son intelligence et à ses sens peu importe ses références et où il se situe. Une expérience qui l’oblige à un certain engagement. » À quoi pouvons-nous nous attendre en tant que public en allant voir Trois paysages ? Voici ce qu’elle nous a répondu: « J’aimerais que le public soit interpellé d’une manière très personnelle et que chacun ait une part de responsabilité afin que la poésie prenne place. Il aura l’occasion de rencontrer quatre magnifiques danseurs d’une extrême générosité : Ariane Voineau, Fabien Piché, Sara Harton et Eve Rousseau-Cyr. La danse va se déployer en trois temps. J’ai tenté de créer un lent crescendo d’une scène à l’autre vers une ouverture sur un espace immensément grand, où on y respire à fond, celui de notre imaginaire. » Quelle bonne idée ! Si vous n’en avez pas l’habitude, sortez du placard votre imagination, dépoussiérez-la un peu et amenez-la avec vous, vous ne le regretterez pas !
Karine Ledoyen, qui s’est donnée comme défi de rendre visible l’invisible, soutient qu’une question sous-jacente au thème interpellera les spectateurs : « Puisque nous partageons le même air, à quoi sommes-nous prêts à renoncer individuellement pour le bienfait de la collectivité ? » En effet, à une époque où les communautés se font de plus en plus petites, catégoriques ou quasi-inexistantes et où on se questionne sur l’importance du moi versus du nous, cette question est très pertinente… Et semblerait-il qu’elle influencera le dénouement de notre expérience en tant que spectateur.
Vous n’aurez que trois soirs pour voir Trois paysages à Montréal, une présentation de Tangente et l’Agora de la danse coproduit par La Rotonde, centre chorégraphique contemporain de Québec. Voici un bel exemple d’union de force de la part de la communauté de la danse !
Pour plus de détail sur le spectacle, visitez le site web de l'Agora de la danse. http://www.agoradanse.com/fr/spectacles/2013/trois-paysages