Théâtre, m'accorderez-vous cette danse ?
29 mars 2012
Critique du spectacle De quel rêve étrange je m'éveille des Créations Ozar.
- Critique de Fanny-Maude Urfer dans le cadre du développement de public, en entretien avec Oliver Koomsatira.
« De quel rêve étrange je m'éveille ». Crédit photo: Dave Macleod
Dans le but de remplir son mandat de développement de public, Danse Nouvelles Montréal poursuit son travail en sensibilisant des gens qui ne développeraient potentiellement pas une affinité pour la danse sans y avoir été exposé directement. Nous commençons donc ce volet avec Fanny-Maude Urfer qui a assisté aux spectacles Tout à vous de coeur et De quel rêve étrange je m'éveille des Créations Ozar, à la Cinquième Salle de la Place des Arts.
Cette jeune femme dans la vingtaine est aux études au doctorat en psychologie. Elle a des intérêts pour différentes formes d'arts, dont la musique et les arts visuels. La danse est selon elle un art plus ou moins accessible mais qui n'en demeure pas pour autant moins apprécié de la jeune femme.
Voici ses impressions suite au spectacle qu'elle a vu hier :
Un homme et un violoniste. Ils sont Tout à vous de coeur dans cette première partie du programme double de Katia Gagné et de l'équipe Les créations Ozar, en scène à la Cinquième salle de la Place des Arts. Danny Gagné incarne Musset et Simon Claude l'accompagne, tantôt en musique, tantôt en devenant son double, son miroir, l'ombre et la conscience de cet homme tourmenté par l'amour. Tous deux valsent sur des lettres historiques, celles de Musset à Georges Sand.
Puis, De quel rêve étrange je m'éveille... Un son envoûtant prend la forme d'une vague s'apprêtant à bercer les personnages. L'audience est saisie du coup de fouet de l'épée d'escrime de Lorenzo (Mark Eden-Towle) : des mots clamés aux mots agis, propose-t-on le même langage? C'est le questionnement que soulève cette deuxième partie, dans laquelle la danse s'exprime, là où les mots ne parlent plus.
Le jeu de mains de Lorenzo en témoigne, à travers l'illustration symbolique puissante des contorsions et tergiversations de ses extrémités corporelles. L'évanescente Camille (Audrey Rancourt-Lessard) fait alors son entrée en scène vêtue d'une robe rafraîchissante et adoucit le jeu en donnant vie au discours de Musset sur l'amour. Ses mots sont d'abord entremêlés dans un montage de chuchotements, mais qu'importe : c'est par son corps qu'elle nous parle, ses bras libres se mouvant sur la scène noire et ses cheveux blonds flottant dans l'espace de Musset. Le mystère s'épaissit tandis que dans un univers enfumé, Rosette (Christine Poirier) rode en arrière-scène, attendant l'occasion de goûter au fruit doux et empoisonné de l'amour. La bouchée sera douloureuse : elle nous le fera comprendre dans des mouvements de contorsion déchaînés, une danse agitée n'appelant rien de moins que la mort. Puis une autre tragédie prend forme sur des airs d'Arlequin et le qui proquo s'installe tandis qu'Octave (Jacques Poulin-Denis), le fou, tente d'attendrir le coeur de la belle, gracieuse et envoûtante Marianne (Lucie Vigneault) pour qu'elle s'ouvre à la pureté de Coelio. Animé de soubresauts harmonieusement saccadés, le personnage d'Octave incarne dans ses gestes une psyché tourmentée et la performance est époustouflante, entre les pas de danse et le discours théâtral délicatement entrelacés.
Le théâtre semble être au premier plan mais la danse fait la cour au théâtre et le théâtre se laisse appâter : il devient plus beau, plus éclatant et épanoui à travers cette union. Les mouvements nous prennent aux trippes tandis que les mots chatouillent notre intellect dans ce spectacle d'une grande beauté, profonde.
La réunion des sept artistes pour la finale a quelque chose de grandiose : sur une musique triomphante, chacun rappelle la trace magique et personnalisée qu'il a laissée sur scène, une magie qui n'aurait pas été possible sans la danse.
Oliver Koomsatira : Suite à ce spectacle, avez vous le goût d'aller voir plus de danse ?
Fanny-Maude Urfer : Oui, pour la liberté que procure le contact avec l'art, la permission de rêver que cela procure.
Tout à vous de coeur et De quel rêve étrange je m'éveille sont présentés jusqu'au 6 avril 2012. Pour plus de détails, visitez le site web de la Cinquième Salle.
http://laplacedesarts.com/pda-famille/1713/les-creations-ozar.fr.html
Extraits du spectacle De quel rêve étrange je m'éveille.