Tempête électroacoustique
27 janvier 2012
Critique de Soak et Derrière le rideau, il fait peut-être nuit présentés par Tangente.
- Dominique Thomas (Bio)
Photo de Julie Artacho.
Martin Messier, compositeur de musique électroacoustique, vise à rendre à sa musique toute la place qui lui revient en en faisant la pièce maîtresse d’un spectacle. Avec les pièces Derrière le rideau, il fait peut-être nuit et SOAK, il peut considérer son défi relevé. Le mariage entre musique et danse est assurément réussi. Autonome, structurante, la musique nous emporte dans une tempête électroacoustique qui en met plein les oreilles.
En première partie, Derrière le rideau... nous plonge dans l’univers angoissant d’une femme à l’état paranoïaque. La pièce constitue en fait un extrait de l’oeuvre originale, présentée au Festival Transamériques (FTA) en 2011.
L’interprète Anne Thériault nous invite à la suivre dans sa douce folie composée d’images fortes qui provoquent des sensations d’inquiétude. D’abord assise sur une chaise de bois, dont les bruits de craquement amplifiés servent de matériau sonore pour le compositeur Martin Messier, elle s’attache elle-même frénétiquement à l’aide de longs câbles. À un autre moment, accroupie au sol, elle « joue » avec des couteaux sur une planche de bois, les faisant glisser ou les plantant violemment dans la planche, leur lame luisant sous l’éclairage minimal d’une lampe de poche. Ici encore, le bruit particulier du couteau sur la planche est démesurément amplifié, et le niveau de tension dans la salle devient palpable. Et on y prend plaisir.
Imaginez être seul, dans une grande maison plongée dans l’obscurité, une nuit de grands vents. Imaginez détecter une présence à l’étage et sentir la panique vous gagner. Derrière le rideau, il fait peut-être nuit provoque ce type d’état, et on l’apprécie pour le même genre de gentil masochisme qui nous fait regarder un film d’horreur.
En seconde partie, Martin Messier dévoile avec SOAK tout le génie de sa conception de son et d’éclairage. Cette dernière repose sur de longs bulbes de lumière suspendus en rangées et d’autres disposés au sol. Cet éclairage élaboré est soigneusement programmé pour réagir avec la musique, qui elle-même colle parfaitement aux mouvements des interprètes. Le tout forme une pièce cohérente, réglée au quart de tour, qui étonne par sa justesse et sa précision. Il arrive par contre que cette cohésion entre musique et lumière nuise à l’appréciation de la danse. Dans un moment où la musique est très chargée, la lumière la suit dans un effet de stroboscope qui dure plusieurs minutes. Cet assaut visuel fait décrocher de la pièce, certains spectateurs ayant même dû se fermer les yeux jusqu’à ce que les clignotements se calment.
C’est bien dommage, car on veut pouvoir capter chaque mouvement des superbes interprètes. Caroline Laurin-Beaucage, également chorégraphe, et son acolyte Brianna Lombardo, livrent une performance d’une solide maîtrise. Habillées de noir, capuchon sur la tête, on ne peut les distinguer l’une de l’autre — sans compter qu’elles bougent de la même manière. Les mouvements sont découpés et sont d’une mollesse calculée, exécutés avec une énergie posée qui demande un minimum d’effort. Certaines séquences au sol, plus athlétiques, sont très efficaces.
Il s’agit d’une rare pièce où on assume, à certains moments, que chorégraphie et musique se suivent pour ne faire qu’un. La tendance dans la danse contemporaine est souvent à l’opposé : afin d’affirmer l’autonomie de la danse par rapport à la musique, la trame sonore se voudra plutôt comme une ambiance. Dans SOAK, la relation musique-danse n’en est pas une d’accompagnement, mais bien de fusion. Cette intimité entre les deux arts est accrocheuse. Ce que les yeux voient est brillamment souligné par ce que les oreilles entendent. Le résultat est un petit bijou d’ingéniosité.
Pour plus de détails sur le spectacle visitez le site web de Tangente.
http://www.tangente.qc.ca/index.php?option=com_content&view=article&id=38&Itemid=6&lang=fr
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En première partie, Derrière le rideau... nous plonge dans l’univers angoissant d’une femme à l’état paranoïaque. La pièce constitue en fait un extrait de l’oeuvre originale, présentée au Festival Transamériques (FTA) en 2011.
L’interprète Anne Thériault nous invite à la suivre dans sa douce folie composée d’images fortes qui provoquent des sensations d’inquiétude. D’abord assise sur une chaise de bois, dont les bruits de craquement amplifiés servent de matériau sonore pour le compositeur Martin Messier, elle s’attache elle-même frénétiquement à l’aide de longs câbles. À un autre moment, accroupie au sol, elle « joue » avec des couteaux sur une planche de bois, les faisant glisser ou les plantant violemment dans la planche, leur lame luisant sous l’éclairage minimal d’une lampe de poche. Ici encore, le bruit particulier du couteau sur la planche est démesurément amplifié, et le niveau de tension dans la salle devient palpable. Et on y prend plaisir.
Imaginez être seul, dans une grande maison plongée dans l’obscurité, une nuit de grands vents. Imaginez détecter une présence à l’étage et sentir la panique vous gagner. Derrière le rideau, il fait peut-être nuit provoque ce type d’état, et on l’apprécie pour le même genre de gentil masochisme qui nous fait regarder un film d’horreur.
En seconde partie, Martin Messier dévoile avec SOAK tout le génie de sa conception de son et d’éclairage. Cette dernière repose sur de longs bulbes de lumière suspendus en rangées et d’autres disposés au sol. Cet éclairage élaboré est soigneusement programmé pour réagir avec la musique, qui elle-même colle parfaitement aux mouvements des interprètes. Le tout forme une pièce cohérente, réglée au quart de tour, qui étonne par sa justesse et sa précision. Il arrive par contre que cette cohésion entre musique et lumière nuise à l’appréciation de la danse. Dans un moment où la musique est très chargée, la lumière la suit dans un effet de stroboscope qui dure plusieurs minutes. Cet assaut visuel fait décrocher de la pièce, certains spectateurs ayant même dû se fermer les yeux jusqu’à ce que les clignotements se calment.
C’est bien dommage, car on veut pouvoir capter chaque mouvement des superbes interprètes. Caroline Laurin-Beaucage, également chorégraphe, et son acolyte Brianna Lombardo, livrent une performance d’une solide maîtrise. Habillées de noir, capuchon sur la tête, on ne peut les distinguer l’une de l’autre — sans compter qu’elles bougent de la même manière. Les mouvements sont découpés et sont d’une mollesse calculée, exécutés avec une énergie posée qui demande un minimum d’effort. Certaines séquences au sol, plus athlétiques, sont très efficaces.
Il s’agit d’une rare pièce où on assume, à certains moments, que chorégraphie et musique se suivent pour ne faire qu’un. La tendance dans la danse contemporaine est souvent à l’opposé : afin d’affirmer l’autonomie de la danse par rapport à la musique, la trame sonore se voudra plutôt comme une ambiance. Dans SOAK, la relation musique-danse n’en est pas une d’accompagnement, mais bien de fusion. Cette intimité entre les deux arts est accrocheuse. Ce que les yeux voient est brillamment souligné par ce que les oreilles entendent. Le résultat est un petit bijou d’ingéniosité.
Pour plus de détails sur le spectacle visitez le site web de Tangente.
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