L'École de danse contemporaine de Montréal en spectacle
18 mai 2012
Critique du spectacle des élèves de 1re et 2e année de L'École de danse contemporaine de Montréal.
- Mandana Anahita (Bio)
« L’art de la danse touche profondément ceux qui s’y investissent. (…) Ces jeunes travaillent sur eux mais aussi à la conquête de l’universel, d’une voie (voix) silencieuse qui accède au public » Lucie Boissinot, Directrice artistique et des études à L’École de danse contemporaine de Montréal.
35 interprètes de L’École de danse contemporaine de Montréal nous livrent ce soir plus qu’une représentation de danse, mais un témoignage ivre pour la danse, une dévotion ! Au cœur d’un combat de société, ces jeunes danseurs repoussent encore une fois la peur pour laisser place à l’irrévérencieuse fougue d’une jeunesse en pleine lutte étudiante. Je ne savais pas que je sortirais de la salle l’angoisse au ventre semée par une interprétation massive et engagée contenant amour, détresse, alliance et affrontement, dans une incessante quête d’équilibre et d’union.
En première partie, pour ouvrir la scène l’honneur est accordé au Chorégraphe Emmanuel Jouthe, cofondateur de la Compagnie Danse Carpe Diem. Une pièce intitulée D’abord un fleuve, puis, autrement tranquille.
Le thème fracassant est l’union, je dirais même le pouvoir de l’unité pour ne faire qu’une voix (voie). Cette proposition inspirante est enrichie par la présence sur scène d’un orchestre incorporé dans la mise en scène. Ce sont des étudiants en composition de la faculté de musique de l’Université de Montréal sous la supervision d’Ana Sokolovic. Une composition dramatiquement concoctée dans un climat de tension évoquant la provocation, la confrontation, la peur, l’angoisse; le conflit acharné entre deux forces adjacentes. Je ne peux que souligner la qualité exceptionnelle des étudiants en danse de deuxième année pour leur engagement et leur prise de risque tant dans la technique que dans l’interprétation. Un gestuel parsemé de trajectoires linéaires et de chutes embrigadées dans un quadrilatère évoqueront inlassablement pour moi un passage obligé pour retrouver l’équilibre. Entre autre, des jetés, des portées, des duos en contact, fragmentés sensiblement dans une narration gestuelle bouleversante pour laisser place à un solo masculin, désarticulant tant bien que mal l’expression d’une violence interne que l’on ne pouvait présager. Loin d’être tranquille, ce fleuve laissera sur son passage des empreintes révoltées. Magnifique orchestration!
En seconde partie, les étudiants de première année, interprètent Anatomies de José Navas, fondateur de la Compagnie Flak, bien connu pour ses œuvres de groupes abstraites et des pièces de ballets contemporains. Une pièce transmise par la danseuse Jamie Wright, artiste engagée et charismatique du Nouveau-Brunswick.
Une trame sonore vocalisant des syllabes ouvrent la scène, je me sens un peu comme dans un laboratoire de dissection, où le corps est regardé à la loupe, 20 danseurs de première année nous projettent, dans un espace restreint, une formation cellulaire. Comment danser dans cette unité de temps, cette unité cellulaire, dans cette interface absente de matière, dans le négatif, dans le vide, dans le noir où l’existence cherche sens? Tout comme le corps est fait de fluides, d’énergie, d’espace, d’oxygène, mais aussi de matières, José Navas nous transporte dans des tracés de corps définis et organisés spatialement, dévoilant une recherche d’alignement , de synchronisme et d’équilibre. Quelques trios et un quatuor s’imposent devant nous, laissant place à une netteté technique, agrémentée au son hypnotisant de syllabes. Au travers de jeux de résistance, entremêlés soigneusement au ballet contemporain, par une écoute intime de soi avec l’autre, le chorégraphe Vénézuélien nous laisse subtilement deviner l’écho d’un langage gestuel inspiré de lettres et de sons. Un travail chorégraphique tout en style, le poing (point) libre.
Le thème de l’unité et de la prise de risque nous revient de nouveau en force, en troisième partie, et transcende largement l’expression corporelle de nos danseurs de deuxième année. Avec You blink, breathing little de Darryl Tracy qui explore les réflexes humains dans cette pièce aussi bouleversante qu’attachante. Le langage singulier de chacun des interprètes se dévoile et leur donne à chacun l’espace de création propre à leur énergie et à leur personnalité. Chaque interprète est un personnage, un orateur, un créateur dénonçant le non-sens. Beaucoup d’émotions chargées de forces, d’alliance, de danger, de risques, de peur, de tensions et enfin de délivrance coloreront la scène du Monument national. La musique de Mika Vainio et Franck Bretschneider teintera un champ vibratoire alarmant. Au cœur de cela, des phrasés fluides, relâchés, non-contrôlés, flotteront à tous les niveaux en gardant un esthétisme contemporain. Tracy engage à la fois la lenteur et la vitesse dans sa chorégraphie, laissant des moments de suspension, le souffle coupé sous nos yeux.
Bravo à tous ces artistes, dont les musiciens, éclairagistes, répétitrice, qui auront mis à l’honneur la danse contemporaine, mais surtout les évènements tragiques de la lutte étudiante. Une superbe écoute et une grande sensibilité habite tous ces artistes, dans un esprit d’union et de fraternité, ce spectacle est un chef d’œuvre humanisant. Je leur souhaite beaucoup de quiétude dans le succès.
Merci aux chorégraphes Emmanuel Jouthe, José Navas, Jamie Wright, Darryl Tracy et surtout à la directrice artistique et des études pour leur dévouement et leur soutien auprès des étudiants.
Pour plus de détails sur le spectacle, visitez le site web de L'École de danse contemporaine de Montréal.
http://www.edcmtl.com/fr/du-16-au-19-mai-spectacle-des-etudiants-de-1re-et-2e
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