Manuel Roque est le Running Man
13 avril 2018
Article à propos du spectacle Running Piece de Jacques Poulin-Denis, présenté par l'Agora de la danse.
- Oliver Koomsatira
Est-ce qu’il vous arrive d’être tellement occupé que vous avez l’impression de courir sur place? Travail, famille, enfants, trafic, métro, épiceries, rénovations, école, changement d’huile, changement de pneus, demande de financement, loyer, paiements hypothécaires, assurances, retour d’impôts… Pas facile d’être majeur et vacciné! Eh bien, l’Agora de la danse s’apprête à présenter un spectacle qui traite de façon originale de l’essoufflement lié à notre « culte de l’être occupé », comme le définit son chorégraphe, Jacques Poulin-Denis. L’oeuvre, intitulée Running Piece, est interprétée par le danseur Manuel Roque à l’aide d’un tapis roulant imposant. Le créateur de l’oeuvre nous en dit plus, en commençant par son inspiration initiale : « Le premier flash m’est venu en marchant en voyage à Berlin. J’écoutais une musique dans mes écouteurs qui transformait mon environnement en situation cinématographique. Comme si je vivais une scène du film de ma vie. En tant que compositeur, j’ai été très stimulé de remarquer ce drôle de jeu entre la fiction et la réalité, et comment une trame sonore pouvait tinter, « spectaculariser » un moment du quotidien. J’ai voulu transposer ce phénomène à la scène, créer une œuvre dont le contexte qui entoure le sujet raconterait plus que le protagoniste lui-même. »
Jusqu’à maintenant, tout va bien, Berlin, c’est très beau après tout. Par contre, être artiste comporte son lot de défis assez impressionnant. Gares à vous, aspirants chorégraphes : « Lorsque je me suis engagé à devenir artiste, je ne savais pas que j’allais aussi devenir gestionnaire de compagnie, mais c’est dans l’air du temps de devoir toucher à tout et répondre à toute demande. C’est cet « acharnement à la mode » que j’ai voulu mettre sur scène. Pour exprimer ce sentiment d’être trop souvent à la course et dépassé par les évènements qui m’entourent, l’idée du tapis roulant s’est imposée d’elle-même, comme si elle me permettait de faire un arrêt sur image pour mieux observer ce phénomène de course (autant physique que psychique). J’ai voulu réduire les possibilités chorégraphiques en plaçant le danseur dans une situation circonscrite : le tapis roulant (espace limité et déplacement obligé). La courroie qui défile sous ses pas est devenue le symbole du temps implacable et la métaphore d’une course sans fin, l’expression directe de la « to-do list » interminable à laquelle je me sens assujetti depuis plusieurs années! »
Justement, cet essoufflement chronique auquel sont sujets les artistes pigistes est assez pour décourager le commun des mortels, sans compter les revenus qui laissent à désirer… Mais, les artistes ne sont certainement pas ordinaires et c’est pourquoi ils peuvent accomplir le tout, et ce, simultanément! C’est peut-être ce à quoi le chorégraphe fait référence en parlant du « culte de l’être occupé » : « Cette obsession contemporaine que nous avons pour le rendement et la productivité. C’est la glorification du « multi-tasking » qui veut que nous rentabilisions chaque instant de nos vies (nous mangeons avec nos écrans, tout comme nous avons l’impression de perdre du temps si l’on oublie notre téléphone lorsqu’on va aux toilettes). Il nous garde dans un bourdonnement superficiel constant. »
Justement, cet essoufflement chronique auquel sont sujets les artistes pigistes est assez pour décourager le commun des mortels, sans compter les revenus qui laissent à désirer… Mais, les artistes ne sont certainement pas ordinaires et c’est pourquoi ils peuvent accomplir le tout, et ce, simultanément! C’est peut-être ce à quoi le chorégraphe fait référence en parlant du « culte de l’être occupé » : « Cette obsession contemporaine que nous avons pour le rendement et la productivité. C’est la glorification du « multi-tasking » qui veut que nous rentabilisions chaque instant de nos vies (nous mangeons avec nos écrans, tout comme nous avons l’impression de perdre du temps si l’on oublie notre téléphone lorsqu’on va aux toilettes). Il nous garde dans un bourdonnement superficiel constant. »
Nous connaissons probablement tous quelqu’un qui vit une relation particulièrement intime avec son téléphone intelligent. Prêt à le consulter des centaines de fois par jour (réveil-matin, courriels, Facebook, Instagram, applications de jeux, SMS, recherches Google, horaire d’autobus, planification d’horaire, planification de route). C’est à se demander ce qu’il faisait avant d’avoir son téléphone, le pauvre! Une catastrophe, évidemment, lorsque ce petit bidule rend l’âme. Comment a-t-il pu le laisser tomber quand il en avait tellement besoin! Et procuré avec deux semaines de paie, en plus! C’est ça la technologie, pas toujours fiable. Un peu comme avoir un tapis roulant géant pour partenaire de danse. Des défis particuliers pour l’équipe de création? « Plusieurs. Il est difficile de faire corps avec un appareil qui n’a pas conscience de nous. Il faut non seulement un bon état cardiovasculaire, car la pièce pousse les limites de l’endurance de l’interprète, Manuel Roque, mais aussi un tout nouveau rapport à l’espace, à l’équilibre, à la verticalité et à la cadence. En travaillant sur le tapis roulant, nous avons l’impression que l’espace et le temps nous échappent. Du point de vue de la mise en scène, je dirais que l’aspect mécanique et les besoins techniques du dispositif sont les plus contraignants. Il a fallu acquérir beaucoup de connaissances, plus de main d’œuvre, louer de plus gros véhicules, travailler dans de plus grandes salles, prévoir plus de temps de montage, etc. pour réaliser ce projet. Les questions techniques se sont décuplées à tous les niveaux. »
Ne marchez pas, courez pour acheter vos billets, car la pièce, en salle du 18 au 21 avril, sera ensuite de l’autre côté de l’océan : « Running Piece sera présenté à la Biennale de Venise le 26 juin ce qui est un grand périple pour nous. Le spectacle est à peine créé qu’il part déjà en voyage, ce qui est tout un défi en soi, donc pas de répit! Nous avons ensuite l’intention d’en faire une adaptation pour d’autres interprètes, comme un duo, et pour un public adolescent. Étrangement, pour un dispositif aussi contraignant, l’inspiration semble infinie et j’ai envie de continuer à creuser les nombreuses possibilités artistiques qu’il nous offre. » Pour plus de détails, visitez le site web de l’Agora de la danse. http://agoradanse.com/evenement/running-piece/
Ne marchez pas, courez pour acheter vos billets, car la pièce, en salle du 18 au 21 avril, sera ensuite de l’autre côté de l’océan : « Running Piece sera présenté à la Biennale de Venise le 26 juin ce qui est un grand périple pour nous. Le spectacle est à peine créé qu’il part déjà en voyage, ce qui est tout un défi en soi, donc pas de répit! Nous avons ensuite l’intention d’en faire une adaptation pour d’autres interprètes, comme un duo, et pour un public adolescent. Étrangement, pour un dispositif aussi contraignant, l’inspiration semble infinie et j’ai envie de continuer à creuser les nombreuses possibilités artistiques qu’il nous offre. » Pour plus de détails, visitez le site web de l’Agora de la danse. http://agoradanse.com/evenement/running-piece/