Haut les mains à l'Usine C !
26 avril 2012
Critique du spectacle Kiss & Cry de Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael présenté à l'Usine C.
- Oliver Koomsatira
Photo du spectacle « Kiss & Cry » de Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael. Crédit : © Marteen Vanden Abeele.
Ça fait quand même un moment que j’ai assisté à un spectacle après lequel la salle entière s'est levée d'un seul coup pour l'acclamer avec autant d'enthousiasme. Par contre, je comprends bien pourquoi. La pièce Kiss & Cry de Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael est une œuvre qui frappe droit au cœur. Très souvent en danse, on assiste à des spectacles sans histoire ou trame narrative. Il y a souvent des thèmes, parfois quelques ébauches de personnages, mais très rarement une histoire avec une exposition, un élément déclencheur, des péripéties, un dénouement et une conclusion. C'est probablement une des multiples raisons pour lesquelles le public s'est tellement fait absorber durant la soirée. Tous les éléments gagnants étaient aussi au rendez-vous pour supporter cette histoire d'amour si romantique.
Je vous avoue que j'ai eu des craintes avant de venir voir Kiss & Cry… après tout, c'est essentiellement un spectacle de mains ! On ne vient pas voir 18 danseurs virtuoses se démener contre une chorégraphie olympique ; juste quatre mains, de très belles mains articulées, certes, mais quand même, rien que des doigts. Heureusement, ce n'était pas que des mains. Il y avait une scénographie incroyable, mais format bonhomme Lego. En entrant dans la salle, on voit une dizaine de personnes sur scène habillées très sobrement, bavardant naturellement sur un plateau rempli de maquettes, de systèmes de son, de lumières, d'ordinateurs, etc. Rien de tout ça ne fait du sens pour nous, ce n'est qu'un tas d'équipement qui recouvre chaque centimètre du plancher… ça promet ! Le spectacle commence et la salle retient son souffle… est-ce qu'on va se faire endormir pendant une heure en regardant des doigts se tortiller ? Oh que non ! Dès le départ, l'univers musical nous transporte pendant que le caméraman doué nous fait voyager à travers le monde à la fois miniature et inerte sur scène, mais absolument magique et géant en projection sur le grand écran. Avec la précision de la lentille et les grands mouvements fluides de la caméra, on a vraiment l'impression d'être au cinéma.
En fait, on assiste à la fois à cette histoire touchante et nostalgique ainsi qu'à son «Making of» en directe. D'ailleurs, à n'importe quel moment où l'on risque de décrocher de l'histoire, on peut rapidement se raccrocher à l'ingéniosité technique de « Comment est-ce qu'ils font pour renverser l'image avec la caméra ? Je me suis toujours demandé la question… » Ou encore « Comment ils font pour faire souffler le vent si fort sans que le sable s’envole à travers la pièce ? » Ou bien « Comment ils font pour faire balancer le mobilier d'un côté à l'autre, du plancher au plafond ? Est-ce que c'est un aimant ? Est-ce qu'il tourne la boîte en tournant la caméra en même temps ? » Mystère. Magie !
Un véritable tour-de-force pour ce qui en est de la manipulation de la caméra, on se croirait dans un film Hollywoodien au budget illimité, format miniature. C'est certain qu'on peut accomplir beaucoup plus avec un petit budget lorsqu'on a des figurines inanimées au lieu d'un Brad Pitt. Parlant d'acteurs, c'est d'ailleurs un autre point intéressant ; les personnages. Je vous rappelle que les personnages de l'œuvre étaient en grande partie des mains et de minuscules figurines. Comment si attacher et ressentir de véritables émotions pour elles ?
Étape numéro un, le texte de Thomas Gunzig interprété avec tant de justesse, d'authenticité et de mystère. Avec cette narration impeccable, on est instantanément hypnotisé. Deuxièmement, les humains ont la capacité étrange d'humaniser n'importe quoi. C'est facile à comprendre en pensant aux marionnettes. On sait très bien que Pinocchio n'est qu'un ramassis de bois, mais on s'attache quand même. On sait très bien que les petits cochons ne parlent pas, mais quand on regarde un film et que le cochonnet nous livre un monologue, on est prêt à verser une larme. La même chose se produit avec ces personnages-mains qu'incarnent Michèle Anne de Mey et Gregory Grosjean. Tu ne vas pas me faire croire que des mains vont tomber en amour et que ça va me donner des papillons ! Et puis que quand la relation entre les deux mains commence à foirer, je vais me sentir mal pour eux ! Et que lorsqu'ils vont se laisser, je vais être démoralisé ! Eh oui… l'âme des personnages nous touchent qu'on regarde leurs yeux ou leurs doigts.
Une belle histoire qui nous fait réfléchir et remettre beaucoup de choses en perspective. Remettre les choses en perspective au niveau technique aussi : une équipe de création et d'exécution du tonnerre qui a bien mérité son ovation enjouée. Si je portais un chapeau, je le lèverais à leur honneur, mais je n'en porte pas… Attendez, je vais aller en chercher un dans le placard… et voilà, il est maintenant sur ma tête… il ne me fait pas bien, ce n'est pas le mien, mais ça va faire l'affaire. Je le lève. Chapeau.
Vous avez jusqu'au 29 avril pour voir Kiss & Cry. Pour plus de détails, visitez le site web de l'Usine C.
http://www.usine-c.com/fr/11-kiss-and-cry-nanodanses.html
Extraits de Kiss & Cry
Je vous avoue que j'ai eu des craintes avant de venir voir Kiss & Cry… après tout, c'est essentiellement un spectacle de mains ! On ne vient pas voir 18 danseurs virtuoses se démener contre une chorégraphie olympique ; juste quatre mains, de très belles mains articulées, certes, mais quand même, rien que des doigts. Heureusement, ce n'était pas que des mains. Il y avait une scénographie incroyable, mais format bonhomme Lego. En entrant dans la salle, on voit une dizaine de personnes sur scène habillées très sobrement, bavardant naturellement sur un plateau rempli de maquettes, de systèmes de son, de lumières, d'ordinateurs, etc. Rien de tout ça ne fait du sens pour nous, ce n'est qu'un tas d'équipement qui recouvre chaque centimètre du plancher… ça promet ! Le spectacle commence et la salle retient son souffle… est-ce qu'on va se faire endormir pendant une heure en regardant des doigts se tortiller ? Oh que non ! Dès le départ, l'univers musical nous transporte pendant que le caméraman doué nous fait voyager à travers le monde à la fois miniature et inerte sur scène, mais absolument magique et géant en projection sur le grand écran. Avec la précision de la lentille et les grands mouvements fluides de la caméra, on a vraiment l'impression d'être au cinéma.
En fait, on assiste à la fois à cette histoire touchante et nostalgique ainsi qu'à son «Making of» en directe. D'ailleurs, à n'importe quel moment où l'on risque de décrocher de l'histoire, on peut rapidement se raccrocher à l'ingéniosité technique de « Comment est-ce qu'ils font pour renverser l'image avec la caméra ? Je me suis toujours demandé la question… » Ou encore « Comment ils font pour faire souffler le vent si fort sans que le sable s’envole à travers la pièce ? » Ou bien « Comment ils font pour faire balancer le mobilier d'un côté à l'autre, du plancher au plafond ? Est-ce que c'est un aimant ? Est-ce qu'il tourne la boîte en tournant la caméra en même temps ? » Mystère. Magie !
Un véritable tour-de-force pour ce qui en est de la manipulation de la caméra, on se croirait dans un film Hollywoodien au budget illimité, format miniature. C'est certain qu'on peut accomplir beaucoup plus avec un petit budget lorsqu'on a des figurines inanimées au lieu d'un Brad Pitt. Parlant d'acteurs, c'est d'ailleurs un autre point intéressant ; les personnages. Je vous rappelle que les personnages de l'œuvre étaient en grande partie des mains et de minuscules figurines. Comment si attacher et ressentir de véritables émotions pour elles ?
Étape numéro un, le texte de Thomas Gunzig interprété avec tant de justesse, d'authenticité et de mystère. Avec cette narration impeccable, on est instantanément hypnotisé. Deuxièmement, les humains ont la capacité étrange d'humaniser n'importe quoi. C'est facile à comprendre en pensant aux marionnettes. On sait très bien que Pinocchio n'est qu'un ramassis de bois, mais on s'attache quand même. On sait très bien que les petits cochons ne parlent pas, mais quand on regarde un film et que le cochonnet nous livre un monologue, on est prêt à verser une larme. La même chose se produit avec ces personnages-mains qu'incarnent Michèle Anne de Mey et Gregory Grosjean. Tu ne vas pas me faire croire que des mains vont tomber en amour et que ça va me donner des papillons ! Et puis que quand la relation entre les deux mains commence à foirer, je vais me sentir mal pour eux ! Et que lorsqu'ils vont se laisser, je vais être démoralisé ! Eh oui… l'âme des personnages nous touchent qu'on regarde leurs yeux ou leurs doigts.
Une belle histoire qui nous fait réfléchir et remettre beaucoup de choses en perspective. Remettre les choses en perspective au niveau technique aussi : une équipe de création et d'exécution du tonnerre qui a bien mérité son ovation enjouée. Si je portais un chapeau, je le lèverais à leur honneur, mais je n'en porte pas… Attendez, je vais aller en chercher un dans le placard… et voilà, il est maintenant sur ma tête… il ne me fait pas bien, ce n'est pas le mien, mais ça va faire l'affaire. Je le lève. Chapeau.
Vous avez jusqu'au 29 avril pour voir Kiss & Cry. Pour plus de détails, visitez le site web de l'Usine C.
http://www.usine-c.com/fr/11-kiss-and-cry-nanodanses.html
Extraits de Kiss & Cry